N'ayant plus ces contacts, nous avons une tendance naturelle à développer nos capacités cérébrales. Nous lisons beaucoup, nous assistons à de nombreux concerts, nous allons dans les musées, nous consommons de la télé (et de l'internet), nous avons toutes sortes de distractions. Nous citons sans fin les idées d'autrui (et les infos ), nous pensons beaucoup à l'art et en parlons souvent. A quoi correspond cet attachement à l'art ? Est-ce une évasion ? Un stimulant ? Lorsqu'on est directement en contact avec la nature; lorsqu'on observe le mouvement de l'oiseau; lorsqu'on voit la beauté de chaque mouvement du ciel; lorsqu'on regarde le jeu des ombres sur les collines ou la beauté d'un visage, éprouve-t-on le besoin d'aller voir des peintures dans un musée ? Peut-être est-ce parce que nous ne savons pas voir ce qui est autour de nous que nous avons recours à quelques drogues pour stimuler notre vision ?
Une de nos plus grandes difficultés est celle qui consiste à voir par nous-mêmes, d'une façon réellement claire, non seulement le monde extérieur, mais notre vie intérieure. Lorsque nous pensons voir un arbre, le voyons nous réellement ou voyons nous l'image que le mot a créé ?
Ai-je jamais essayé de regarder un arbre (ou un tableau) sans les associations et les connaissances que j'ai acquises à son sujet, sans préjugés, sans jugements, sans aucun des mots qui font écran entre moi et l'arbre (entre moi et le tableau) et qui m'empêche de le voir tel qu'il est dans sa réalité ? Essayons et voyons ce qui se produit lorsque j'observe avec tout mon être, avec la totalité de mon énergie. Dans cette intensité il n'y a pas du tout d'observateur : il n'y a que l'attention. Ce n'est que l'innattention qui sépare l'observateur de la chose observée. Dans l'attention totale il n'y a pas de place pour des concepts, des formules ou des souvenirs."
Jiddu Krishnamurti (1895 - 1986) in "se libérer du connu"