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Blog d'Ivan Sigg

Blog d'Ivan Sigg

Carnet quotidien d'un Artiste Peintre Romancier,performeur en peinture digitale animée, consultant en innovation et créativité


De la volonté : en avoir ou pas ?

Publié par Ivan Sigg sur 8 Octobre 2008, 16:56pm

Catégories : #philosophie

Philippe (dentiste) : Pour un séminaire de formation, je prépare une intervention sur le thème de « La volonté ». Aurais-tu des bouquins là-dessus ?
Ivan : J’ai un tas de livres et d’observations sur ce sujet.
Philippe : Dis moi un peu comment tu vois ça. Parle-moi de ce moteur vital qu’est la volonté.
Ivan : Ca demande un développement préalable. La volonté, le vouloir, l’envie, le désir, sont une seule et même chose. Dans la volonté il y a un but, un objet, l’image de quelque chose, le désir d’obtenir un résultat connu (conscient ou inconscient). Prenons le problème à l’envers et voyons s’il existe des états vitaux moteurs qui se passent de toute volonté ? Chaque jour je constate que l’amour, la liberté, la joie, l’humilité n’ont rien à voir avec la volonté. Ce ne sont pas des fins mais des moyens. Je ne peux pas sortir de chez moi et dire « je veux tomber amoureux », ça ne marche pas ! C’est seulement lorsque je suis attentif au monde, c’est-à-dire réceptif à moi-même, à ce qui surgit et à l’autre, que la rencontre amoureuse peut advenir. Et cette attention totale est Amour. De même pour la liberté. Toute mon enfance mes parents et la société m’ont appris qu’il fallait se battre pour acquérir sa liberté et qu’un jour l’homme serait libre. Mais le passé et le futur n’ont pas d’existence autre que dans notre psychisme. « Etre libre » n’aura pas lieu demain. Etre libre c’est s’affranchir maintenant, au présent, de toute autorité psychologique intérieure et extérieure.
    Sur le plan Technique, pour poser une couronne par exemple, je dois observer la bouche du patient, l’état de sa racine, l’état de ses gencives, son alimentation, pour comprendre tout le contexte, puis à travers une stratégie scientifique et une bienveillance respectueuse, j’applique mon savoir (le connu) qui est le résultat de centaines d’années d’expérience. Je suis concentré vers un but précis, mais si mon diagnostique et ma technique sont adéquats, je n’ai pas d’hésitation, pas de choix à faire, je comprends et j’agis, pas besoin de volonté. Pour construire un lycée ou un pont il faudra sans doute des volontés politiques en plus de l’observation du terrain.
    Sur le plan psychologique, il faut comprendre que le présent est un surgissement, que le réel est neuf d’instant en instant ; que nous-même, l'autre et tout le vivant, meurent et renaissent à chaque instant. Hors, la volonté réduit le réel à un objectif que l’on tente d’atteindre par tous les moyens (« la fin justifie les moyens » pense-t-on hélas chez les grands capitalistes comme chez les grands révolutionnaires), alors on ne voit plus l’autre, on ne l’écoute pas, on le manipule, on l’exploite, on le méprise, on veut le changer, le rééduquer, on l’écrase, on le détruit. La volonté fige la réalité qui est mouvante, changeante, toujours différente. La volonté focalise la pensée sur une idée fixe, sur une image, une vision. Nous fabriquons donc des barrières intérieures pour contenir tout ce que nous rejetons.  Quelle déperdition d’énergie ! Tout stimulus contraire à ce désir d’acquérir une famille, une situation sociale, une voiture (ou d’atteindre un idéal) est pris comme une agression et nous réagissons vivement (haine, colère, dépression...) avec une nouvelle déperdition d’énergie. La volonté segmente et divise le monde, elle est facteur de colère, de haine de l’autre et de soi.
    Laissons opérer notre énergie vitale dans la perception, dans une attention totale au monde, sans juger, ni accepter, ni rejeter, ni s’identifier, pour voir le faux dans le faux (qui est le vrai). Cette attention lucide est action. Cette attention à la globalité du monde est à la fois apprentissage, compréhension et amour.
Philippe : C’est très intéressant, mais pourtant il faut une sacré volonté pour réussir, non ?
Ivan : Que veut dire réussir ?
Philippe : Mettre en place une stratégie qui permet d’obtenir ce que l’on désire.
Ivan : Qui désire ? C’est Je qui parle, c’est mon moi, mon conditionnement, ma mémoire, c’est donc le passé qui désire. Réussir c’est  donc projeter du passé sur du présent. C'est projeter une image de soi sur le réel et mettre toute son énergie dans la bataille pour faire en sorte que le réel se juxtapose avec cette image. Quelle déconvenues et souffrances en perspectives pour soi et pour les autres. La bataille ne s’arrête que lorsque je comprends que je suis la bataille. Si ton but c’est devenir un bon dentiste, tu  comprends qu’il te faut faire tant d’années d’études, tant de formations, écouter, observer et respecter ton patient. Mais tu ne peux pas réduire la réalité à ça. Si tu ne portes pas cette même attention à ta personne, à ta femme, à tes enfants, à ton voisin, et à tous les domaines de ta vie, ta "réussite" segmentée finit toujours par déraper dans la confusion.
Philippe : N’y a-t-il pas un rapport entre la volonté et l’estime de soi ?
Ivan : Estimer, c’est mesurer, comparer et juger. Juger l’image que l’on a de soi, c’est juger tout son conditionnement. Mais qui juge qui ? C’est le moi qui juge le moi ? Le passé qui juge le passé ? La mémoire qui juge la mémoire ? La conscience qui juge la conscience ? Je qui prend du recul pour observer Je ? On se mord la queue ! Tu sous-entend que la volonté permettrait d’améliorer l’image de soi ? Mais l’image de soi est une illusion qui nous agit. Faire coller cette illusion (figée) au réel (toujours en mouvement) c’est plus de confusion pour soi et pour le monde. Tant que nous ne sommes pas dans l’ETRE (je ne suis que ce que je suis à cet instant) mais dans le DEVENIR (tendus vers une image, un but, un idéal) il est question de volonté. Dès que nous revenons au contact avec le monde, la volonté se dissout. Et être au contact, c'est ne plus voir le monde à travers des images.
Philippe : En fait le vrai intitulé de mon sujet c’est « La pensée et l’action », c’est moi qui ai rajouté la volonté.
Ivan : Ma première réaction, c’est de dire que la pensée c’est toujours du passé (du connu), alors que l’action c’est du présent.
Philippe : Je passerai chez toi pour reparler de tout cela.
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