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Blog d'Ivan Sigg

Blog d'Ivan Sigg

Carnet quotidien d'un Artiste Peintre Romancier,performeur en peinture digitale animée, consultant en innovation et créativité


Cyril Dion et Ivan Sigg : Rencontre Fictive autour du Petit manuel de résistance contemporaine

Publié par Ivan Sigg sur 28 Juillet 2018, 06:25am

Catégories : #Pédagogie, #philosophie, #Dialogues, #Politique, #Résistance, #écologie, #durable, #croyance, #Pensée, #Récit, #Attention

Cyril : Alors Ivan, tu as lu mon « Petit manuel de résistance contemporaine » et l’on me dit que tu souhaiterais en parler avec moi ?

Ivan : Exact. Après avoir jubilé avec ton film-manifeste « Demain », j’ai trouvé ton livre-manifeste intéressant... mais il me semble que les deux concepts de RÉSISTANCE et de RÉCIT annihilent ton objectif.

Cyril : Allons bon !

Ivan : Ton film « Demain » fonctionnait comme le « coup de Kyosaku revitalisant » du moine zen, car nous n’étions pas là à écouter des récits ou des discours militants, mais face à des actes réels positifs. C’était la valeur de l’exemple vivant qui frappait le spectateur. La simple mise bout à bout de ses exemples positifs aboutissait à un joyeux «C’est donc possible ! » suivi aussitôt d’un « Alors pourquoi pas moi ? ».

Cyril : Merci beaucoup. Et avec mon manuel de résistance alors ?

Ivan : Avec ce livre, tu es dans l’idée, dans l’accumulation de chiffres et d’images négatives, dans un constat de noirceur avancée, dans le « C’est très mal barré » voire dans le « C’est quasi trop tard ». On en sort désarmé, désemparé.

Cyril : Ce n’était pas l’effet recherché.

Ivan : Passons sur l’analogie inopérante ultralibéralisme = nazisme, et parlons du concept de RÉSISTANCE, si tu veux bien.

Cyril : Soit.

Ivan : RÉSISTER consiste à se focaliser sur un aspect problématique de la réalité en mettant énormément d’énergie à repousser (ou à être aveugle à) tous les autres aspects de la complexité du présent. C’est autant d’énergie perdue à ne pas aimer et créer.

Cyril : Et alors ?

Ivan : Alors... l’eau ne résiste pas.

Cyril : Pardon !?

Ivan : Face au rocher, l’eau ne résiste pas. Observons-la : Elle l’enveloppe, le contourne, le creuse, le fend, le sape, le déplace, se divise, tourne sur elle même, bouillonne, toujours en mouvement, toujours rebondissante et créatrice.

Cyril : Belle métaphore, so what ? Nous ne sommes pas de l’eau !?

Ivan : Si, justement ! Nous sommes l’eau si pétillante, nous sommes le rocher si lent, nous sommes l’arbre arborescent aérien et souterrain à la fois, nous sommes la fleur qui rayonne pour tous, et nous étions l’oiseau jamais obèse, le chimpanzé jamais destructeur ou le loup jamais cupide.

Cyril : Très poétique, so what ?

Ivan : Alors nous pensons être détachés de la nature, mais nous sommes de la même étoffe que l’arbre ou l’oiseau, nous sommes la nature (comme tu le dis page 134 sans l’utiliser). OK, c’est depuis que nous fabriquons de la PENSÉE, de la CROYANCE, du RÉCIT, que nous transformons le monde et construisons des merveilles. Mais à quel prix ? En détruisant sans scrupules des milliards de vies et en détruisant la planète. Attention au choc, assieds-toi bien : c’est la PENSÉE même, c’est à dire les RÉCITS, les CROYANCES dont tu parles, qui sont le problème et sa cause !

Cyril : Rien que ça ! Tu remets en cause tout le processus de PENSÉE !!! C’est totalement arriéré et réac comme attitude ! Si tu nous enlèves la pensée nous ne sommes plus rien ! Quelle régression !

Ivan : Allons ! Tu serais donc limité au petit contenu de ta mémoire, de ton savoir, de ton conditionnement ? Et si on essayait ? Redevenons nos sens, éveillons nous. Dès lors nous pourions nous affranchir de la PENSÉE. La pensée n’est qu’une rėaction de notre mémoire aux stimuli du réel. Elle est donc toujours vieille car elle est de l’ordre du connu. Entrons en Attention totale, soyons l’eau, soyons le nuage, soyons le vent, soyons la marée, soyons le monde et nous serions à nouveau dans le neuf qui surgit à chaque instant.

Cyril : Redevenir un animal sauvage et vivre à l’instinct et au besoin, c’est ça !?

Ivan : Et voilà la peur à nouveau qui pointe son groin... « Il s’agit non d’imiter la nature, met de retrouver le mouvement de la nature en train de créer » (Moine Shitao XVIIe+ Picasso) . Pour sauver l’humain et la planète, observons la vie du potiron, la vie du cumulus, la vie du corbeau, la vie du torrent, ... Donc Cyril je te suggère : non pas de la RÉSISTANCE et du RÉCIT, mais plutôt de l’APPÉTENCE (=curiosité, vitalité, coopération) et de l’ATTENTION (=intense présence au monde sans jugement, empathie).

Cyril : ... ?

Ivan : OK. Abordons les choses par un autre angle. Tu proposes aux humains dans ton livre de se raconter un nouveau RÉCIT collectif auquel se rallier pour sauver ensemble la planète.

Cyril : C’est ça. Un RÉCIT qui sera plus puissant que celui de l’ultra libéralisme qui, avec sa Croissance, nous mène droit à la destruction de la planète et à la fin de l’humanité.

Ivan : On raconte un récit pour endormir les enfants le soir, non...?

Cyril : Tout de suite... Non ! Ce serait un RÉCIT qui réveillerait les gens !

Ivan : Ben voyons ! En fait, tu utilises ce terme RÉCIT pour ne pas utiliser le mot CROYANCE...?

Cyril : Si tu veux. Pas besoin de le dire, c’est trop connoté.

Ivan : OK. Pourquoi vôtre CROYANCE (ou ton RÉCIT) serait plus valable que la nôtre ? te diront les gens.

Cyril : Parce qu’elle serait plus respectueuse de la faune, de la flore, des minéraux et des humains dans leur ensemble.

Ivan : Tu es le seul juge de ce « plus ». Avec ce « plus » tu es dans la comparaison et la mesure, or dès qu’il y comparaison et mesure, il y a divisions et conflits chez les humains. En fait, tu voudrais à ton tour réinventer la CROYANCE en un avenir radieux ? La CROYANCE à des lendemains meilleurs ? Voire la CROYANCE à un possible Paradis sur terre ?

Cyril : Oh ! tout de suite la caricature...

Ivan : Et qui inventerait cette CROYANCE/RÉCIT ? Cette nouvelle bible vertueuse du durable ?

Cyril : Nous ! tous ensemble !

Ivan : Non, voilà l’erreur que nous faisons depuis au moins 35000 ans. C’est notre cerveau, et donc tout notre système de pensée, nourri par nos peurs et nos désirs qui inventerait ce RÉCIT/CROYANCE. Ce vigile-pilote-outil formidable nous protège de tout en permanence car nous le laissons réagir en mode automatique (= 99% du temps nous laissons notre cerveau reptilien réagir à la place du neocortex)

Cyril : À vérifier...

Ivan : Vérifie-le ici et maintenant, par toi-même, la PENSÉE, la CROYANCE, le RÉCIT, sont des réactions de la mémoire au stimuli du réel.

Cyril : Tu l’as déjà dit.

Ivan : On ne pense pas à partir de rien. Oui, je le répète, notre pensée est toujours vieille, elle est de l’ordre du connu, jamais de l’inconnu. Observe-la qui surgit toujours une fraction de temps après l’électrisation de tes sens...

Cyril : Faut voir...

Ivan : C’est tout vu, mais le penseur intérieur (qui n’est autre que la pensée elle-même) a beaucoup de mal à l’accepter. La PENSÉE (Le RÉCIT) est un système de croyances organisées. Si ce système est nécessaire sur le plan technique ou physique, et pour pouvoir parler avec toi, c’est totalement destructeur sur le plan psychologique et dans notre rapport au monde. C’est notre cerveau qui invente les religions, les idéaux politiques, qui nous détache du monde et nous place au dessus des plantes, des animaux et de la planète. As-tu remarqué que l’ont fait des progrès techniques en permanence, mais zéro progrès sur le plan psychologique. En 5500 ans (prenons comme repère la naissance de l’écriture) la colère, l’orgueil, l’égoïsme, la cupidité, le désir d’accumuler sans partage, le désir de soumettre, le désir d’exploiter, le désir de détruire, n’ont pas évolué d’un poil.

Cyril : Wouahou...Qu’est-ce que tu me racontes ! Tu m’embrouilles à la fin !

Ivan : C’est exactement là que se situe le changement de paradigme que j’appelle et qui s’amorçait avec ton film (Est-ce que la coréalisation avec Mélanie Laurent apportait cette part féminine sensitive que je ne retrouve pas dans ton livre ?). On en reparlera autour d’un café si tu veux, car je te rappelle que nous sommes là dans une discussion fictive...

Cyril : Ah oui, je l’avais presque oublié, ha ha ha.

Ivan : Bon, par ailleurs je suis totalement en phase avec les exemples glanés à la fin de ton livre et avec les réflexions de Sdrja Popovic : il faut du MOUVEMENT (marche collective, distribution collective, fabriquer ensemble...), de l’HUMOUR, et un DÉTOURNEMENT d’ATTENTION sur un sujet annexe (recherche de sel, brasserie locale, distribution de riz au lait) — c’est la fameuse « misdirection » du magicien, la transe de l’hypnothérapeute, ou la ruse de l’artiste pédagogue — pour se déconnecter de la PENSÉE et acquérir à la fois l’ATTENTION de l’individu et la confiance du groupe. Dans ce cadre nous nous remettons alors à VIVRE la diversité comme une richesse et à CRÉER de façon optimale «seul avec les autres ».

Cyril : Et maintenant... ?

Ivan : Il , n'y a plus qu'à aller voir "Woman at war" le film génial de Benedikt Erlingsson !

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