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Blog d'Ivan Sigg

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Carnet quotidien d'un Artiste Peintre Romancier,performeur en peinture digitale animée, consultant en innovation et créativité


Le vieil homme et la cousine Charlotte (Chapitre 33)

Publié par Ivan Sigg sur 17 Décembre 2015, 23:10pm

Catégories : #Dialogues, #philosophie, #dessin, #art, #Théâtre

Le vieil homme et la cousine Charlotte (Chapitre 33)

(Comme chaque semaine, je vais dialoguer avec Le Vieil Homme de 94 ans, dans sa maison de retraite dont la doyenne a 104 ans)

Vieil homme : venant d'Alger, je suis arrivé au plateau d'Assy, je me suis marié et j'ai passé ma thèse de médecine. Quand j'ai quitté le Plateau d'Assy, de retour à Alger, (on n'a jamais voulu tenir compte des trois années de temps plein que j'avais fait auparavant à Alger). Je suis devenu salarié du Sana Rivet. Ils avaient deux galeries de cure, une installation luxueuse et chère. Il y avait une radio arabe et une radio française, alors les kabyle ont demandé la leur.
Moi : ça a duré combien de temps ?
Vieil homme : je suis resté là trois ans comme adjoint du médecin chef. Je guignais déjà du côté de Maison Carrée car cette ville était ouverte vers le Sud et le désert. Je ne voulais pas m'installer à Alger car la clientèle était moins facile et puis, à Maison Carrée, il n'y avait pas de phtisiologue. Mes parents ont été postiers toute leur vie pour pouvoir assurer les trois chasses par semaine de mon père. Quand ils ont vu que leur fils unique allait vers un métier libéral, cela a déclenché une terrible crise chez mon père qui ne jurait que par le salariat et la fonction publique. Seule sa cousine m'a défendu.
Moi : comment s'appelait elle ?
Vieil homme : Charlotte. Elle était veuve et enseignait les lettres à Paris. Son deuxième mari s'appelait Montmaousse. Elle nous ouvrait son appartement quand avec ma future femme nous venions à Paris. Comme nous n'étions pas mariées, c'était des relations extra-conjugales protégées par la cousine Charlotte. Son appartement de 3 pièces était situé en face d'une gare. C'est le père de Charlotte qui le premier m'a parlé des musées parisien. J'avais été ébloui.
Moi : je ne suis pas sûr de comprendre de qui vous parlez ? Le père de Charlotte est-ce le frère de votre grand-père ou de votre grand-mère ?
Vieil homme : j'admire que vous soyez attentif. cela vous honore. Reprenons donc depuis le début : j'ai été baptisé avec les enfants de Charlotte. Le père de Charlotte venait de Normandie et s'appelait Kling. Un jour, ma mère, toute jeune orpheline, est casée chez les Montmaousse pour devenir "jeune fille de ferme". Ma mère était charmeuse avec Monsieur Montmaousse mais elle n'avait aucune idée de ce qu'était un braquemard...
Moi : je suis perdu entre les Kling et les Montmaousse... pardon que venez vous de dire !?
Vieil homme : un matin ma pauvre mère passe devant la chambre de cet homme et elle tombe sur Montmaousse qui lui donne le spectacle de son énorme bazar qu'il agite avec des secousses peu équivoques, en direction de ma future mère. Il avait la soixantaine passée.
Moi : et alors...?
Vieil homme : vous n'aurez pas la suite qu'elle m'a racontée. Mais je ne suis pas cette suite si c'est ce que vous voulez savoir. Montmaousse était compétent et travailleur. Il tenait un grand magasin de ferblanterie. Toute la ville d'Aumale le connaissait. D'ailleurs nous avions chez nous une baignoire Montmaousse. Son fils était un vrai fumiste, planqué comme employé de banque. La fille (soeur ?) de ce fils était ma camarade. Elle parlait trop disait mon père. Elle avait un mari sans intérêt. C'est elle qui a débusqué mes parents retraités à Montpellier, faisant ressurgir des tonnes de souvenir de jeunesse.
Moi : à ce propos, quels étaient vos amours de l'époque, avant votre mariage ?
Vieil homme : j'étais ce que l'on qualifie "un baiseur tardif". "Henri, me disait un camarade de jeunesse, je sais bien ce qui se passe dans ton slip, viens je t'emmène régler ça au bordel !" Ha ha , mais moi je trainais en longueur. Tous les gars qui venaient du bled allaient au bordel tous les dimanches. L'un d'eux s'appelait Tartex. Lui ne voulait plus y aller, mais c'était devenu une addiction et il ne pouvait plus s'en passer. Aux récits d'entre cuisses et de culbutes variées têtes bêches qu'ils nous faisait, nous étions bouches bées !
Moi : vous n'avez donc découvert la sexualité qu'avec votre future femme ?
Vieil homme : pas tout à fait. En cours de biologie, on nous apprenait le sperme. Le prof demandait a un élève d'aller se secouer le poireau dans les latrines et le mariole revenait avec sa lamelle de verre grouillante. Quelle merveille que d'observer ça sous nos microscopes !

En parlant de vie qui grouille, savez-vous que je suis mort cette nuit ?
Moi : mort d'ennui ?
Vieil homme : mais non !
Moi : mort de rire ?
Vieil homme : allons !
Moi : mort d'angoisse ?
Vieil homme : mais enfin ! Je suis mort au cour d'une douce négociation, après une discussion sympathique. Ce fut d'ailleurs une mort douce, non violente.
Moi : pouvez-vous me raconter ça ?
Vieil homme : hé bien, je suis comme vous le savez, membre d'un petit groupe de dix personnes dépendant du gouvernement. On m'a nommé responsable du fait de ma notoriété dans la médecine du travail. Tous les midi et tous soirs ils s'échinent à nous distribuer un mauvais repas gratuit.
Moi : on appelle ça communément le déjeuner et le dîner.
Vieil homme : ne m'interrompez pas. Hier soir, il y a eu un incident fâcheux. Il y a là un tas de vieilles biques voleuses de cannes et de lunettes, appartenant à l'aristocratie. J'hésite régulièrement à donner ma démission. C'est embêtant ces réunions. Hier soir donc, silence total quand j'arrive, sanglots du secrétaire général, homme vigoureux et musclé pourtant. Tout le monde mange la tête baissée sans me regarder une seule fois. Je n'avais jamais vu ça, un vrai scandale. Il aurait suffit que quelqu'un vienne me dire "mais enfin mon pauvre ami, vous êtes mort, comprenez leur réaction ! "

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