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Blog d'Ivan Sigg

Blog d'Ivan Sigg

Carnet quotidien d'un Artiste Peintre Romancier,performeur en peinture digitale animée, consultant en innovation et créativité


Une femme m'a sauvé la vie

Publié par Ivan Sigg sur 28 Novembre 2014, 09:09am

Catégories : #instants de vie

"Une femme m'a sauvė la vie" ou " Comment, durant 15 minutes, je suis devenu à la fois le mari d'une belle black et homo"

 

Il a l'air saoul ou peut-être shooté, black à béret rasta. S'approche pour me demander une cigarette. 22h45. Assis à l'arrêt de bus, je déguste "Réglez-lui son compte" un merveilleux San Antonio de la première heure. À mes côtés : une étudiante voutée qui textote et une belle black perchée sur talons aiguilles. À son arrivée, cette dernière a fait une gymnastique impayable pour lire l'heure du prochain passage sur le panneau lumineux, ce qui nous a bien fait rire. Connivence. Elle est contente de son effet. Son rire et ses immenses faux cils balaient l'espace. Ses lentilles bleues éclairent le quartier. Nous répondons l'un après l'autre au zonard qui insiste, que non, nous ne fumons pas. Alors il me demande de l'argent et sort de la monnaie pour montrer ce qui lui reste en poche. Une pièce lui échappe. Il m'accuse aussitôt de l'avoir fait tomber. Ça commence à sentir l'embrouille. Elle a roulé derrière l'arrêt de bus. Le gars s'énerve. Je me lève pour aller la ramasser et la poser dans sa main. J'espère qu'il va en rester là. Ce serait bien si le bus arrivait. Je suis habillé avec un jean customisé au pochoir, un Tshirt jaune à pois noirs de l'artiste Yayoi Kusama et un long manteau Comme des Garçons, gris à fleurs noires. Le camé se colle brusquement contre moi, lourd et agressif. Il fait une tête de moins mais :

— Je suis sûr que t'as de l'argent !

— Non, je n'ai rien, dis-je calmement.

— Tu fais tomber ce que j'ai et en plus tu te moques de moi !?

Il y a du monde à l'arrêt de bus maintenant. Un grand black très classe lui demande de se calmer. J'hésite à pousser une gueulante ou courir. Je tente de m'écarter. Le grillé du bulbe me colle. Soudain, au moment où ça va tourner vinaigre, la belle gazelle bondit sur ses aiguilles, m'attrape par le bras, m'attire à elle et m'enlace fermement en déclarant au shooté "Ecoute, mec, c'est mon mari, alors laisse-le tranquille !" Elle s'est carrément interposée entre nous ! Incrédule, le relou rugit :

— C'est ton mari ça !?

— Oui, c'est mon mari, c'est mon chéri et on s'aime beaucoup, alors tu nous laisse tranquille !?

— Tu es mariée avec un putain de pédé de sa race !? Hurle-t-il.

— Et alors, on fait ce qu'on veut aujourd'hui ! Ce n'est pas toi qui va me dire comment je dois vivre ! Et elle me glisse "chacun est libre de sa sexualité", avec un clin d'oeil qui veut dire "Tu as bien le droit d'être homo si tu veux, c'est pas son problème"...

Le bus arrive. Elle me pousse à l'intérieur. Je me laisse faire, ahuri. Elle s'assoit à côté de moi dans un grand mouvement de perruque, tirant sur sa jupette pour vaguement protéger le haut de ses longues cuisses. Là-bas, au niveau de la porte du bus, ça continue à gueuler, car le grand black classieux vient de révéler qu'il est un flic en civil, ce qui n fait qu'exciter l'overdosé qui n'en croit rien.

— Merci beaucoup pour ce que vous avez fait, trouvé-je simplement à dire.

— Ah, mais c'est normal, sinon il allait vous casser la gueule ! Ça me fait mal quand un frère black est comme ça. C'est pire que si c'était un blanc.

Je replonge dans mon San Antonio.

Elle reçoit un coup de fil et répond : "Je te dis que j'arrive mon chéri, je me suis déjà lavée, je suis sapée, on aura le temps".

Autant dire que ma lecture n'avance pas d'une ligne jusqu'à sa descente du bus.

Elle me fait de grands saluts chaleureux depuis le trottoir.

Une femme m'a sauvé la vie
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