Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Blog d'Ivan Sigg

Blog d'Ivan Sigg

Carnet quotidien d'un Artiste Peintre Romancier,performeur en peinture digitale animée, consultant en innovation et créativité


Dialogue entre l’ethnologue et l’artiste

Publié par Ivan Sigg sur 8 Avril 2020, 10:29am

Catégories : #Dialogue, #instants de vie, #Sciences, #Japon, #Ethnologie, #art, #noir et blanc

Quand la Lune rousse du 8 avril irradiait notre Terre affolée

Quand la Lune rousse du 8 avril irradiait notre Terre affolée

Dialogue du 15 mars 2020

entre Sandra Revolon 

et Ivan Sigg

 

 

Sandra : Cela m’intéresse Ivan de savoir ce que tu connais sur le concept de « Contraste » dans la culture japonaise ?

 

Ivan : Il me semble qu’on est plutôt dans « L’éloge de la fadeur » que dans le contraste au Japon, dans le tofu soyeux plutôt que dans le boudin au pomme. On ne montre pas son intimité, on cache ses formes, on dissimule ses dents, on ne dévoile pas son intérieur. On ne dépasse pas du groupe.  L’asymétrie qui met en valeur la culture et le savoir-faire mais pas le contraste ou l’originalité.

 

Sandra : Ah, OK. Et le bouquin l'éloge de l'ombre ? On y parle de ces femmes qui se peignaient les dents en noir pour faire ressortir la blancheur de leur peau.  

 

Ivan : Je crois que le laquage des dents n’est en lien ni avec le contraste ni avec l’ombre. Cela montrait que l’on avait un niveau social, ou qu’on n’était mariée, et enfin cela protégeait des caries. Ah “l’Éloge de l’ombre” de Tanizaki ! Livre de 1933. C’était une réaction à l’occidentalisation du Japon. Il faut se pencher sur le sentiment du Sabi-Wabi : L’amour de la patine du temps et de la pénombre. Cela va à l’encontre de l’éclairage, du brillant et de la netteté qui représentent la modernité occidentale. Mais Cet homme qui était un grand auteur issu de la tradition était en même temps un homme de la nuit, un grand queutard des quartiers chauds. À la fin de sa vie il fait l’éloge de la nuit dans le torride et incestueux « journal d’un vieux fou », mais les japonais n’aiment pas que l’on dévoile ces paradoxes/contrastes humains :)

 

Sandra : Ha ha intéressant.

 

Ivan : La notion de concept elle-même pose question. La pensée japonaise, pour ce que j’en comprends, est à l’image de la tournée du facteur japonais, c’est une pensée sans adresse postale, en pelure d’oignon : on ne nomme pas le concept. On tourne autour en s’en approchant par cercles concentriques.

 

Sandra : Ok. Pourtant il me semble qu'on parle de concept dans la pensée japonaise, comme le Wasa par exemple.

 

Ivan : Je ne sais pas ce que veut dire Wasa. Avec toutes ces questions je suis curieux de savoir ce que tu fais comme métier ?

 

Sandra : Je suis ethnologue. Je travaille depuis vingt ans chez les  Owa, à l’Est des Salomons. Ils sont mille habitants. Deux faits exceptionnels : alors que la plupart des objets rituels océaniens est généralement assez colorée, eux produisent des objets noir et blanc. D’autre part les Owa attribuent une place particulière aux effets d'optiques liés aux photométéores et à la bioluminescence : arc en ciel, rayons crépusculaires, plancton, nautile poli, cellules iridophores sur la peau de certains poissons, chaux de corail... Ces phénomènes constituent l'indice visible d'un principe appelé mana, conçu comme un opérateur dynamique, une force, à l'origine du renouvellement de toute chose. Les Owa imitent ces effets d'optique, en particulier l'iridescence, et l'appliquent à leurs objets rituels et sur le corps des jeunes garçons lors des initiations masculines. Ce faisant, ils leur attribuent une efficacité magique. 

D'une manière plus générale, la brillance et le contraste sont centraux dans la production des images en Polynésie. Je me demande ce qu'il en est chez les insulaire en Asie, et notamment au Japon. 

 

Ivan : C’est étonnant parce que ce que tu décris sur les objets noirs et blanc ne fait pas écho pour moi avec le Japon, ni la brillance, ni l’iridescence. Intuitivement, et avec ce que j’ai vu au Japon et dans différents musées du monde, je penserais d’abord aux œuvres en noir et blanc des inuits et toutes leurs notions pour décrire la centaine d’aspects de la neige et de la glace.

 

Sandra : C'est vrai. D'ailleurs les austronésiens qui ont peuplé l'Océanie sont allés jusqu'en Amérique, c'est attesté par les archéologues.  

 

Ivan : Il faudrait observer les vents et les courants marins pour comprendre quelles influences sont venues par la mer ?

 

Sandra : Oui, c’est notamment ce que nous nous employons à faire dans nos travaux actuels avec l’archéologue Anne Di Piazza avec qui je collabore.

 

 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :

Archives

Nous sommes sociaux !