F. me raconte ce qui vient de lui arriver :
"Je ne m'approche pas des chats. Oh, c'est une vieille histoire. Ce n'est pas une allergie, je me tiens juste à distance. Moi et les chats on n'est pas fait pour vivre ensemble. Petite on m'a offert un chaton qui s'est aussitôt enfui de la maison. Quand il est revenu, il était en sang avec un oeil en moins, alors tu comprends... Figure-toi que j'étais chez moi la semaine dernière et j'avais laissé ouvert l'oscillo-battant qui donne sur le jardin de l'immeuble, à l'arrière de l'appartement. Hé bien ce con de chat, que tout la copropriété connait, qu'est-ce qui lui prend ce jour-là ? D'un bond il se retrouve dans mon appartement, quasi à mes pieds ! Je crois rêver ! Je m'approche pour le faire sortir et bien sûr, il se hérisse et crache sa haine ! Je recule, il se calme. J'approche à nouveau, il sort les griffes et feule. Quel con ! Impossible pour moi de l'attraper ! Comment faire pour le forcer à sortir ? Je refais une dernière tentative et là, il se transforme en furie hurlante, bondissant et se cognant violemment contre la vitre comme un piaf aveuglé. Dans un dernier bond désespéré, avec une détente inouïe, il se retrouve à cheval tout là-haut sur le battant, coincé entre le plafond et la fenêtre, maintenant quasi refermée. Je me dis que ça va être plus simple de l'expulser vu qu'il est prisonnier, cul à l'intérieur, tête à l'extérieur. Hélas, dès que je m'approche, il fait une tête de fauve dément et ses pattes griffent le verre en produisant des stridences terrifiantes! La bestiole se déhanche tellement que je vois déjà le moment où elle va s'éventrer, se couper en deux et rester là éviscérer avec ses tripes qui glissent au ralenti sur la vitre oblique. Je fonce chercher un coussin pour le pousser dehors sans être griffé, mais ma présence le fait tellement se contorsionner qu'il finit par s'enrouler dans le fil du store et le voilà sauvé de la décapitation par une effroyable pendaison. Je suis horrifiée. Je sais déjà que je ne pourrai plus jamais profiter de cette vue apaisante du jardin.
Après un ultime sursaut, le matou dégage sa tête et le voilà pendu par une patte. D'abord étonné, il semble plus à l'aise dans cette position et il en profite pour retrouver son souffle. C'est là que je décide d'appeler les pompiers. Le régulateur me rit au nez :
— Hé hé, elle a quoi votre chatte, ma petite dame, répétez-moi ça ?
— Elle est pendue au bout du fil !
— Hé hé, comme vous en ce moment ?
Je raccroche pour appeler aussitôt le voisin du dessus, mon ennemi juré. Ce con débarque en Marcel, sans déodorant, sans me saluer et il file droit vers la guillotine à chat en mode "laisse-moi faire cocotte".
— S'il s'était pris les couilles dans la fenêtre il aurait fallu appeler Lapeyre, ha ha".
— Connard !
Le chat semble reconnaitre le niveau de connerie mâle et se calme aussitôt. Le gars l'attrape alors par la peau du cou, réouvre l'oscillo-battant en grand et balance l'animal dans le jardin.
— Y a des techniques plus simples pour éliminer un matou me glisse-t-il en me faisant un clin d'oeil et il sort avec le majeur et l'index sur la tempe façon salut GI.
— Connard !
Depuis ce jour, le chat se poste régulièrement devant ma fenêtre d'un air de dire "Alors tu l'ouvres plus maintenant, hein ? Dès que tu l'entrebailles, je te jure que je remets ça, j'ai adoré !"
Je hais les chats.