6h45, réveil avec France Inter, douche froide, petite gym et rentrer les poubelles.
Coup d'oeil de sécurité à l'intérieur du bac vert pour vérifier sa propreté : Hé ! C'est quoi ce truc ? Quelqu'un s'est encore débarrassé d'un sac de déchets dans notre poubelle, hier soir après le passage de la benne ! Je vide ce fond de bac dans le caniveau pour aller ensuite le jeter dans une poubelle publique. Mince, c'est un sac à main de femme ! Sans doute une pauvre passante qui se sera faite délester...
Je lave la poubelle à grande eau puis, j'avise à nouveau la forme noire qui gît dans le caniveau : maintenant que je l'observe, je la trouve trop ronde pour être vide... J'attrape les anneaux dorés de l'anse et découvre un fatras de vaporisateurs de parfums, de produits de beauté de luxe, un passeport américain, une carte d'identité, un permis de conduire, cinq cartes de crédit et une facture de bijouterie. Ça alors, pourquoi voler un sac, tout laisser dedans et balancer le tout dans ma poubelle ?
Pas d'agenda, pas de carnet d'adresse et bien sûr aucun numéro de téléphone ! Rosita Missol * doit avoir toute sa vie mémorisée dans son iPhone, lui-même volé ou
encore sur elle... Je cherche Rosita sur Facebook, hélas il y en a des centaines, notamment au Mexique.
Bon, j'appelle le numéro d'urgence "pour touriste en déroute" de l'Ambassade américaine : " Non monsieur, ce n'est pas la peine de me donner le nom de la personne, je ne peux rien faire, vous aller juste déposer le sac au commissariat le plus proche !" Et vlan ! c'est dingue ! J'espère que la conversation à été enregistrée ! il est hors de question que je laisse ce sac dans un commissariat lambda qui va mettre des plombes à s'en occuper alors que la touriste doit pleurer sa mère dans un coin de Paris (et puis qui dit que je ne serai pas le 1er suspect pour des flics zêlés?). J'attrape la facture de bijouterie, seul papier français qui peut me donner une piste et, effectivement, je trouve le téléphone de la bijouterie sur le ticket de caisse. Personne ne répond aussi je laisse un message pour dire que j'ai retrouvé le sac de Rosita.
Mon problème c'est que j'ai un rendez-vous important au Centre Georges Pompidou, que je suis déjà chargé d'un projecteur et que je ne vais pas pouvoir me balader toute la journée avec ce sac à main. Je le pose donc dans l'entrée de la maison, sur la poubelle que je viens de rentrer et je file (Comment aurais-je pu imaginer un instant que ce geste allait peut-être faire voler ma vie en éclat !!! :)
Après mon rendez-vous très positif à Beaubourg, annonçant des lendemains très créatifs, je trouve sur mon portable le message
énigmaticolaconique d'une attachée de direction d'un grand hôtel du 1er arrondissement de Paris " Bonjour, c'est au sujet de ce que vous savez, pouvez-vous me rappeler ? "...
Je rappelle aussitôt :
- Je suis la personne qui a trouvé le sac...
- Je peux vous envoyer un taxi ?
- Ah non, je ne l'ai pas abandonné dans un commissariat pour maintenant le confier à un chauffeur de taxi (pas un instant
j'imagine que le taxi puisse être pour moi :), je vous l'apporte en main propre !
- C'est très gentil, je vous attend.
Dans le grand salon de l'hôtel, l'attachée de direction et toute la famille m'attendent, Rosita, belle femme effondrée dans un
canapé à côté de sa jeune fille, et son mari barbichu costaud, qui vient droit sur moi et m'écrase la main en me disant en anglais :
- Nous n'avons pas rencontré de français comme vous durant notre séjour.
- Je suis sûr que vous auriez fait la même chose pour moi , balbutuiè-je.
- Tout à fait et d'autres le feront.
Il veut alors me glisser le rouleau de billets qu'il tenait dans son autre main.
- Non merci, c'est très gentil, je refuse catégoriquement
- J'apprécie.
Mais revenant à la charge :
- Alors pour votre église ?
- Non merci, je n'ai pas d'église.
- ...
La charmante attachée de direction me raconte alors qu' "un gars est entré la veille dans l'hôtel, une casquette lui protégeait le
visage et vu son comportement il savait ou étaient les caméras, puis il a pénétré dans le restaurant et à subtilisé le sac sur le fauteuil même de Rosita qui ne s'est aperçue de rien. Il avait dû
la repérer sortant de la bijouterie. Nos clients ont raté leur avion de retour ce matin à cause de cette histoire, mais c'est un tel soulagement, pour eux et pour nous, que vous ayez retrouvé et
rapporté ce sac ! Vous savez votre geste est exceptionnel et toute la direction de l'hôtel aimerait vous remercier en vous invitant à un dîner du soir ou à brunch du dimanche matin avec
votre femme..."
- Je suis confus car je n'attendais rien en retour, mais c'est avec un grand plaisir que j'accepte le brunch, j'adore
ça.
J'ai failli blaguer en ajoutant "nous viendrons sans sac, les mains dans les poches", mais je me suis retenu.
Nous avons échangé nos cartes avec Rosita et parlé du frère peintre à New York. Nous nous sommes salués chaleureusement et je suis rentré chez moi. Un
mystère tout de même : pourquoi le voleur est-il allé jusque dans le XVIIIème arrondissement pour jeter le sac ? Mince ! est-ce un voisin ?
Attendez, cette histoire n'est pas terminée !
Les conséquences possibles d'une telle histoire ? Écoutez :
Ma fille : En voyant le sac posé sur le bac vert dans l'entrée j'ai pensé que Papa avait attaqué une petite vieille. Non, je
rigole...
Ma femme : En voyant ce sac Chanel, qui doit coûter un bras entre nous, je me suis dit "il y a une femme dans la maison" et
aussitôt ça m'a traversé que tu pouvais être avec une maîtresse... Je ne rigole pas... ça m'a traversé.
Moi : Ha ha ha, comment peux-tu imaginer ça un instant !? surtout posé en évidence sur la poubelle dans l'entrée, tu ne regardes
pas assez de séries... ET puis entre nous, tu me vois avec une fille qui aimerait ce type de sac ? Ha ha ha.
Un ami : Ben Il faut avoir du temps pour faire ça, moi je l'aurais laissé dans la poubelle.
Une amie : Non, je comprends très bien, ce n'est pas une question de temps, c'est une question de compassion et d'ouverture à tous
les possibles. C'est pas une question de temps, c'est une façon de voir le monde, de donner et d'aller à la rencontre.
*Le nom à été changé
Commentaire posté par Emmanuelle :
Ivan, c'est là que surgissent tes racines suisses ! C'est effectivement très helvète, ce comportement ! Impossible de perdre de l'argent ou son portable en Suisse, on retrouve tout. En tout cas, chapeau pour ton entêtement à tout rendre en mains propres, envers et contre tout !
Commentaire posté par Spei :
Voici une petite histoire bien charmante, il est toujours impressionnant de voir quelques conséquences peuvent avoir nos collisions quotidiennes.