Tout le travail de regard sur les oeuvres d'art, que je mène avec Alexis Monville et quelques amis depuis deux
ans sur le site Un Jour Une oeuvre, trouve de nombreuses résonnances dans l'article suivant de Marie-Thérèse Tanios d'après la communication du Dr Grégory TOSTI, praticien Unité douleur, Hôpital Ambroise Paré. (In Abstract
Psychiatrie).
L'expérience de perception pure
"prenez un stylo, posez-le face à vous, fixez-le jusqu'à oublier la nature de l'objet, oubliez que c'est un stylo pour n'appréhender l'objet que dans sa forme, ses couleurs. Voir sans regarder. Ne pas se laisser emporter par les voiles de la pensée." Voici en quelques phrases l'expérience de la perception pure que nous a proposée Grégory Tosti. Et c'est avec une douce sensation de détente que l'on découvre à l'écran le regard absorbé d'une patiente de M.Tosti qui explore avec une certaine appréhension cette expérience hypnotique destinée à apaiser les douleurs dorsales, dûes à une calcification des tendons, qui l'assaillent depuis quelques années. Le résultat : une suppression de la douleur, sensation qu'elle n'avait pas connue depuis 4 années, quelque soit le traitement utilisé. Le problème n'est pas pour autanty résolu puisque la douleur revient revient au bout de cinq jours.
D'après l'expérience de M.Tosti, au fur et à mesure des séances, la pratique de l'hypnose* devrait user le symptôme jusqu'à sa disparition. Comment fonctionne cette expérience ? Pour y répondre, il faut tout d'abord revenir à la notion de douleur. Réduire le patient à sa lésion organique ce serait réduire la perception de la souffrance à la perception de la lésion organique. Or la douleur chronique comprend différents aspects : une composante sensorielle pure (la dimension neuronale, lésionnelle), une composante émotionnelle (le désagrément de la douleur), une composante cognitive (le savoir du patient sur sa douleur et sa pathologie) et une composante comportementale (positions, gestes antalgiques).
Cette expérience tend à dissoudre les composantes émotionnelles et cognitives de la douleur telles que
l'empreinte émotionnelle pénible de l'accident ayant provoqué la douleur, les croyances et représentations négatives au sujet de la maladie (caractère inévitable, douloureux, dénégatif) etc .
Ramené au moment présent, l'individu est réduit à une perception sensorielle en temps réel, dans un temps antérieur à la pensée, au moment où la perception n'est pas encore représentation.
L'individu ne perçoit que ce qui est là, ici et maintenant. Il est ainsi délésté de toute intellectualisation, coupé des "afférences internes pertubatrices", selon M.Tosti, tels les souvenirs
traumatiques, les projections anxiogènes ou les représentations phobogènes en lien avec la douleur. Là où la médecine aura tendance à isoler le symptôme pour le situer dans une nosologie et
prescrire le traitement médicamenteux adéquat, la pratique de l'hypnose engage dans une approche de la douleur plus globale où le patient participe tout entier au soin qui lui est proposé. A
partir de l'expérience singulière et plurifactorielle que l'individu fait de son mal, il est invité à découvrir une perception du monde plus souple, plus riche et moins
douloureuse."
*A UJUO nous n'utilisons pas le mot hypnose. Nous parlons de passivité vigilante c'est à dire d'attention totale à l'ici et maintenant dans un silence de la pensée.
Et si l'attention vraie aux oeuvres d'art était non seulement libératrice ,
émancipatrice, mais aussi thérapeuthique ? Au plaisir de vous rencontrer Dr grégory Tosti pour échanger sur le sujet et faire quelques expériences de mutualisation des regards avec vos
patients d'Ambroise Paré, Ivan Sigg et Alexis Monville.