Cet article fait écho à mon article "La liberté, le temps, l'argent, le couple"
Irvin Yalom grand psychothérapeute américain, chantre de la thérapie existentielle et de la thérapie de groupe est également un merveilleux romancier dont il faut lire "La méthode Schopenhauer", "Et Nietzsche a pleuré" ainsi que "Meurtre sur le divan".
Extrait de son livre "Le jardin d'Épicure" (Galaade éditions):
Dans "Ainsi parlait Zarathoustra", Nietzsche met en scène un vieux sage qui décide de descendre de sa montagne et de partager avec les autres ce qu'il a appris.
De toutes les notions qu'il prêche, il en est une qu'il considère comme son "idée la plus profonde" : l'idée d'éternel retour. Zarathoustra lance un défi : qu'en serait-il si vous deviez vivre une même vie toujours recommencée depuis l'éternité, en quoi cela vous transformerait-il ? Les mots angoissants que je cite ici sont sa première description de l'expérience de pensée de "l'éternel retour". Je les ai souvent lus à voix haute à mes patients. Essayez d'en faire autant de votre côté.
Que dirais-tu si un jour , si une nuit, un démon se glissait jusque dans ta solitude la plus reculée et de dise : "Cette vie, telle que tu la vis maintenant et que tu l'as vécue, tu devras la vivre encore une fois et d'innombrables fois; et il n'y aura rien de nouveau en elle si ce n'est que chaque douleur et chaque plaisir, chaque pensée et chaque gémissement, et tout ce qu'il y a d'indiciblement petit et grand dans ta vie, devront revenir pour toi et le tout dans le même ordre et la même succession — cette araignée-là également, et ce clair de lune entre les arbres, et cet instant-ci et moi-même. L'éternel sablier de l'existence ne cesse d'être renversé à nouveau — et toi avec lui ô grain de poussière de la poussière !" Ne te jetterais-tu pas sur le sol, grinçant des dents et maudissant le démon qui te parlerait de la sorte ? Ou bien te serait-il arrivé de vivre un instant formidable où tu aurais pu lui répondre : " Tu es un Dieu et jamais je n'entendis choses plus divines!" Si cette pensée exerçait sur toi son empire, elle te transformerait, faisant de toi, tel que tu es, un autre, te broyant peut-être.
La seule pensée de revivre à jamais la même vie peut-être déstabilisante, comme une thérapie de choc existentielle en réduction. Elle sert souvent d'expérience de réflexion sur soi, conduisant à analyser sérieusement la manière dont on vit. Comme le fantôme de l'avenir, elle vous fait prendre pleinement conscience que votre vie, votre unique vie, devrait être totalement et harmonieusement vécue, laisser derrière elle aussi peu de regrets que possible. Nietzsche nous sert ainsi de guide, nous détournant des préoccupations futiles pour y substituer l'objectif d'une vie pleinement vécue.
Aucun changement positif ne peut intervenir dans votre vie tant que l'idée reste ancrée en vous que les causes de votre vie imparfaite
sont à chercher au dehors de vous-même. Tant que vous accuserez les autres de vous traiter injustement — un butor de mari, un patron exigeant et peu enclin à vous soutenir, des gènes défectueux,
des pulsions irresistibles— vous ne sortirez pas de l'impasse. Vous et vous seul êtes responsable des aspects fondamentaux de votre vie, et vous seul avez le pouvoir de la changer. Et même si
vous vous heurtez à d'énormes contraintes extérieures, vous avez malgré tout la liberté et le choix d'adopter des attitudes diverses face à elles.