J'acquiers « Le malaise dans la culture» écrit par Freud en 1930 et vais essayer d'en parler (en plusieurs articles)
Freud a envoyé son écrit « La religion comme illusion » à Romain Rolland. Est-il allé jusqu’à constater « La pensée comme illusion » ? Il ne semble pas.
Freud ne saisit pas « le sentiment océanique » que Romain Rolland définit comme le « sentiment de quelques chose qui serait comme sans limites, sans bornes, pour ainsi dire océanique ». Romain Rolland en fait la source de l’énergie religieuse.
Freud ne voit pas qu’il s’agit peut être là d’un état de perception global — et non d’un sentiment — qui permet d’entrer en contact avec ce qui est au-delà des limites de la pensée. Cet au-delà de la pensée n’étant pas Dieu (projection humaine), mais le présent, c’est à dire le réel toujours en mouvement.
Classant cet état de perception dans les domaines du sentiment et du religieux, Freud dit « je ne puis découvrir ce sentiment en moi ». Plus loin il dit que le vers du poète Grabe « De ce monde nous ne pouvons tomber » (que je traduis par : Il n’y a que le présent et j’en fais partie intégrante) lui a permis d’entendre que ce sentiment océanique « c’est le sentiment du lien indissoluble, de l’appartenance réciproque avec le Tout du monde extérieur » et que par conséquent « c’est une vision intellectuelle à tonalité affective ». Quelle étonnante conclusion ! Là non plus Freud ne voit pas ou ne saisit pas que le travail poétique, s’affranchissant des frontières de la mémoire, du savoir et de la pensée (et donc du moi) par une ATTENTION TOTALE, permet au poète d’entrer en contact avec le monde... mieux, de comprendre que c'est le processus de pensée qui nous donne l'illusion d'être séparés du monde (Suis-je différent de l'arbre ? Non !).
Ce « sentiment de corrélation avec le monde qui l’entoure, rend un son si étrange » pour Freud qu’il « tente une dérivation psychanalytique ». Il explique alors de façon peu claire (page 40) que « le moi se prolonge vers l’intérieur sans frontières nettes en une âme inconsciente » et vers l’extérieur « le moi semble affirmer des frontières claires et nettes ». Freud en conclue alors que le sentiment d’appartenance totale au monde ne peut être qu’un de ces « états pathologiques dans lequel la démarcation du moi d’avec le monde qui l’entoure devient incertaine ou dans lesquels les frontières sont tracées de manière vraiment incorrecte »
A un instant t, mon moi se limite à son propre contenu, et ce contenu c’est mon conditionnement, le passé donc. C’est le processus de pensée, qui nous est commun à tous, qui fabrique mon moi (mon conditionnement), qui produit à son tour l’image que j’ai de moi-même et l’image que j’ai du monde. Mais n’est-ce pas une illusion majeure, dont nous nous accommodons depuis des millénaires, de CROIRE que ma pensée peut être à la fois l’observateur et l’observé, le juge et le jugé ? Ma pensée limitée peut elle se penser ?
Le processus de pensée se développe en six temps : 1) les stimulis du réel provoquent ma perception 2) Ma perception se transforme en savoir 3) ce savoir est mis en mémoire 4) ma mémoire compare ce savoir aux savoirs déjà stockés (conscients et inconscients) 5) ma mémoire réagit en produisant une réponse que nous appelons la pensée 6) cette pensée déclenche une action, une émotion ou un sentiment.
A la différence des vieilles sagesses orientales, (indiennes et chinoises) Freud ne s’intéresse pas à démonter le processus de pensée. Il reste à l’intérieur de la prison du moi pour penser notre corrélation avec le monde. Repousser les murs de cette prison, ou comprendre la structure de cette prison, ce n’est pas les abattre. Ne dois-je pas m’affranchir de l’illusion du monde que produit le moi pour VOIR enfin le monde ?...et voir que je suis le monde ?
Mon moi, qui est toujours le passé, ne peut avoir de lien avec le Tout, qui est toujours le présent surgissant. Seul mon être perceptif qui meurt et renait d’instant en instant, affranchit de la pensée et du jugement, peut saisir l’état d’attention « océanique ».