"Les petites empêchées, histoires de princesses" est un spectacle écrit et mis en scène par Carole Thibaut avec Betty Bussmann, Astrid Cathala, Sophie Daull, Karen Ramage et Fanny Zeller. Prochaines dates : 15 et 16 mars à l'Espace Germinal de Fosses (95)
Ivan : Merci Carole pour ce beau spectacle. Tu écris bien et j'aime bien ta robe/cabane/chapiteau/décor
.
Voilà 5 archétypes de femmes : une mère seule malaimée qui surprotège ses deux filles et les tient éloignées des hommes, une
vieille (jeune) fille qui n'a pas de nom et qui attendra toujours l'amour en chantant l'amour, une fille qui veut faire des
enfants, une rebelle masculine qui veut être libre (sans l'homme) et enfin, une baroudeuse militante malaimée. Pas sûr qu'il y en ait une seule qui soit bien dans ses pompes ? :)
Quant aux hommes, ce sont de tristes sirs : le roi qui enterre la partie libre de sa femme et le berger qui ne veut pas que sa
femme danse. Ils sont d'ailleurs complètement absents de la scène.
Nous étions plein de questionnements en sortant du théâtre Confluences avec mon amie Valérie et nous avons beaucoup parlé sur le
sens de ta pièce et des nombreux messages qu 'elle semble faire passer... Merci pour ce bon moment.
Carole : Merci pour ton merci et pour la surprise de ta venue. C'est drôle, je n'ai pas cette vision noire de ces
personnages, même si, tu as parfaitement raison, ce sont des archétypes. Mais la reine finit grâce à sa fille par renouer avec sa vraie nature - sauvage- après l'avoir étouffée durant des années
(et c'est sa fille qui la libère et la fille ne peut elle-même accéder à l'âge adulte et à sa liberté qu'à travers ça), la petite chérie rose qui veut faire des enfants, aimer, et de façon
apparemment si traditionnelle va préférer sa liberté de danser et devenir une amoureuse libre, pleine d'enfants et d'amants (ma foi!), Angel Ange qui se cherche et va partir à l'aventure comme
elle le rêvait, la baroudeuse, elles ne me font pas penser à des personnages mal dans leurs pompes, plutôt des gens qui se cherchent, oui, évoluent, tâtonnent, mais finalement avancent plutôt sur
leur propre chemin. Quant aux hommes, le pauvre roi il était bien effrayé au final d'avoir épousé une femme-louve et même s'il l'a fait par passion il était assez flippé par cette nature sauvage
et animale de sa femme et on le comprend aussi. N'empêche qu'au départ il épouse une femme-loup, ce qui dénote soit une grande passion soit une grande ouverture d'esprit (!). Quant au berger,
tout à fait d'accord, c'est un rustre abruti qui veut une bonne ménagère et quant à celle dont le nom s'est perdu c'est la vieille fille chantante, et ces deux là, d'accord, pas grand chose à en
tirer...
J'ai moins eu envie de faire passer des messages que m'amuser avec, oui, des archétypes, jouer des figures traditionnelles, sur fond de genre traditionnel. Et les contes sont truffés jusqu'à la
gueule de messages, morales, métaphores, sentences. C'est assez amusant à tricoter ou à détricoter. Merci encore un coup de ton intérêt et de tes retours!
Ivan : Merci pour tes éclairages très intéressants. Je ne suis pas sûr que ce que tu me dis apparaisse dans la
pièce. Deux exemples :
- une mère/sorcière redevenue femme/louve pourrait être très belle et féminine (même agée) mais le spectateur repart avec l'image qu'elle est devenue une horrible clocharde au cheveux
filasses qui hurle dans la forêt...?
- au dernier tableau il n'y a pas de changement de costume, de coiffure ou de maquillage et on a l'impression visuelle que ces femmes n'ont pas évolué...?
Enfin, quand je parlais de la place de l'homme dans la pièce c'est parce que j'essayais de répondre aux questions de mon amie Valérie "comment tu prends cette pièce en tant qu'homme? " et "vers
la quelle de ces femmes irais-tu ?". En fait, je crois qu'il n'y a pas d'entrée pour le spectateur homme. Il n'y a pas de séduction et la féminité et la sexualité sont absentes (ou réprimées)
chez ces femmes. En fait, la femme qui manque sur scène serait peut-être celle qui les rassembleraient toutes, c'est à dire... l'auteur maquillée et en pull rose...? :)
Carole : Oh lala c'est terrible ce que tu m'écris! mais la femme-loup est une horrible sorcière clochardisée
parce qu'elle ne s'est pas encore retransformée en louve, elle se l'interdit (et puis de toute façon on lui a volé sa peau donc ça lui est impossible) et en même temps plus rien ne la tient des
artifices qu'elle avait construit, de son petit royaume de "femme-reine". Je pense qu'elle redevient à la fin une louve magnifique, et on entend son hurlement à la fin... Enfin c'est mon
interprétation. Quant aux costumes des petites à la fin, tu as raison, et je n'y avais pas pensé, c'est une très bonne remarque! Je vais inventer un manteau pour Chérie Rose et une veste et un
pantalon pour Angel Ange. Tu as raison! Et si tu n'y trouves pas de femme possible pour un homme, les petits garçons eux y trouvent de quoi se projeter (souvent dans les problèmes d'Angel Ange)
et ça c'est la vraie réussite pour moi de ce spectacle que des petits garçons puissent s'identifier à des filles, alors que tout le temps on demande l'inverse aux enfants et que ça parait si
"naturel" qu'une fille s'identifie à un héros masculin et "contre nature" qu'une garçon s'identifie à une héroïne (au point que ça peut inquiéter des parents flippant pour la sexualité à venir de
leur fils!!!). Et il y a des petits garçons qui ont été très séduits par Chérie Rose et Angel Ange et même parfois (hélas!) par celle dont le nom s'est perdu!
Ivan : Merci pour cet échange riche et rare.