Nous sommes 13 personnes, pas un spectateur de plus.
Oh, pas dans la grande salle avec la 3D pour mieux voir les bestioles sur la glace, non, dans la plus petite salle du Pathé
Wepler. Un film en bout de course qui ne restera pas une semaine de plus à l'affiche. HOLY MOTORS d'Alex Christophe Dupont, 51 ans en 2012. Tiens, j'ai exactement le même âge que lui. Leos Carax,
c'est son nom d'écran. J'avais adoré Boy meets girl en 1984 et j'étais tombé amoureux de Mireille Perrier. J'avais aimé Mauvais sang en 1986 et j'étais tombé amoureux de Juliette Binoche. Depuis
je suis marié et Holy Motors est très mauvais et j'ai eu envie de sortir de la salle. J'ai dit à ma femme " si c'était à la télé on changerait de chaîne". Elle m'a répondu "mais, on n'a pas la
télé !?" En fait on est resté car le spectacle était dans la salle.... Je vais vous raconter ça.
Résumé du film : Denis Lavant joue le rôle d'un petit acteur/schizophrène chauve manipulé par un patron invisible. Chaque rendez-vous de sa longue journée de travail parisienne consiste à se grimer et jouer un rôle plus ou moins tordu pour entrer en contact avec des personnes fragiles ou improbables.
Denis Lavant a une superbe gueule pour film muet en noir et blanc et joue très bien, mais le cinéaste s'ennuie et cherche
désespérément quoi filmer. Les dialogues sont insipides, les plans sont laids, les seconds rôles s'ennuient, il n'y a aucune émotion, on n'y croit jamais, et même les érections sont en
plastique.
Dans la salle, une femme a (comme moi) très vite saisi l'insipidité du film et s'est mise à envoyer des mails avec son iPhone aux touches musicales. Vous voyez la lumière que ça peut faire et le soupir métallique que produit chaque départ de mail quand on ne coupe pas le son ? C'est assez atypique dans une salle de cinéma, non ? Puis elle s'est mise à recevoir et donner des coups de fil !!!...
Là ça se corse !
Il se trouve que la doublure de Denis Lavant était dans la salle : Un petit chauve trapu de 50 piges (Il parait que Leos Carax en place un dans chaque salle parisienne pour donner du relief au film, si, si). Le gars pète un cable se lève fonce vers la femme en pleine conversation avec Shangaï, lui intime l'ordre à voix basse de fermer son clapet et retourne s'assoir. L'altercation silencieuse réveille la salle. De l'action, où ca ?
Mais la femme continue de téléphoner. Soudain l'injonction du Denis Lavant Bis lui atteint le bulbe (2 minutes de suspense c'est long pour une salle sur les dents !), elle se lève, vient se planter devant lui, dans le faisceau du projecteur, et dit d'une puissante voix d'actrice " Et si je t'en colle une, là maintenant, tu vas faire quoi après ?". La salle sue l'angoisse. La doublure ne réagit pas mais la femme qui n'attend pas de réponse lui en colle une sonore et magistrale puis va se rassoir. La vache !
Réaction inappropriée de la salle : 11 personnes éclatent d'un rire nerveux. Le gars chauve ne réagit toujours pas. La femme sort de la salle comme une furie, sans ses affaires. Un malin (moi) se croit obligé de demander "Est-ce que tout ça fait partie du film ?" La salle éclate d'un gros rire d'entendement qui libère les tensions.
Pendant 5 minutes la salle abasourdie regarde le vrai Denis Lavant qui patauge dans la surabondance de symbolique. La femme revient des toilettes, ramasse ses affaires et vient se planter devant le faux Denis Lavant, dans le faisceau du projecteur. Dix secondes de silence c'est long. Dans un rugissement de bête malade elle lui lance "Viens dehors avec moi que je t'en flanque une deuxième !" et elle sort définitivement.
La salle a retenu son souffle, mais le baffé ne l'a pas suivie. Il a vu le film jusqu'au mot fin, stoïc.
Il faut savoir sortir avant la fin quand un film est mauvais. J'en suis incapable.