Haydée : écouter l'écoute avec une théorie
Ivan : voir le voir sans savoir
Hier j'ai eu la chance de rencontrer Haydée Faimberg, psychanalyste travaillant sur " L'écoute de l'écoute " (l'écoute de ce qu'a écouté le patient et l'écoute de ce qu'a écouté le psychanalyste). Comment aurais-je pu ne pas parler avec elle du "Voir le voir sans savoir" que je pratique avec Alexis, Jean-François, Sylvie, Eric, Ariel, EmMa (...) et 500 internautes/jour, depuis deux ans, sur le site Un Jour Une Oeuvre ?
J'ai décrit à Haydée Faimberg nos séances de regard sur les oeuvres d'art, à plusieurs, dans des musées, et comment nous énonçions à haute voix ce que nous voyions, étoffant nos regards au fur et à mesure qu'ils étaient énnoncés. Nous avions alors découvert que cette mutualisation des regards n'était possible, que parce que nous n'énoncions ni savoir, ni ressenti, ni jugement, ni pensée, afin de ne pas figer (fragmenter, glacer) l'écoute de l'autre, ni son regard. Toute image ou opinion glissée entre l'oeuvre et soi, entre soi et l'autre, nous empêchait de voir, c'est à dire d'entrer en contact avec l'oeuvre au présent. Haydée a parue très intéressée par le propos.
Ivan : Est-ce que le regard est important dans le temps de la séance d'analyse ?
Haydée : à l'entrée et à la sortie...
La perception totale au présent (par tous les sens, hors du processus de la pensée), me semblant incontournable pour entrer en contact avec soi et les autres, je me dois de lui poser ici quelques questions sur ce que j'ai lu d'elle dans "Forum sur les questions cliniques, travailler avec la méthode de "l'écoute de l'écoute" (2010) .
Haydée, pourquoi posez-vous comme vérité:
1) que "En tant que psychanalyste, nous ne pouvons pas ne pas avoir une théorie" pour écouter ?
Pourquoi non ? Pourquoi cet attachement à notre savoir/mémoire, aux concepts, à notre conditionnment ? Pourquoi ne pas être
neuf au présent, totalement attentif au patient neuf lui aussi à chaque séance ?
2) que "Chaque analyste a ses propres hypothèses de base (théories) avec lesquelles il écoute" ?
Pourquoi ne pas aborder chaque séance comme si elle était totalement neuve ? Sans théorie, sans a-priori, vide de toute pensée, vigilant, le cerveau immobile ?
3) que "il s'agit de comprendre en quoi l'autre est différent" ?
L'autre est-il différent ? Ne souffre-t-il pas comme moi, analyste ou artiste, de l'envie, de la peur, du cercle
plaisir/souffrance, de la colère, de l'égoïsme, du désir de pouvoir... ? Ne s'agit-il pas au contraire de voir dans le miroir de la relation que je ne suis pas différent de lui ? Ne s'agit-il pas
de comprendre l'ensemble du processus de la pensée qui nous fait tous souffrir? De comprendre que nous sommes agis par notre conditionnement (le moi) et qu'il faut s'en affranchir par la
perception (l'écoute et le regard sans choix ni jugement) là, maintenant, pour être, et laisser surgir enfin la réalité ?