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Blog d'Ivan Sigg

Blog d'Ivan Sigg

Carnet quotidien d'un Artiste Peintre Romancier,performeur en peinture digitale animée, consultant en innovation et créativité


Extension du domaine de la chèvre

Publié par Ivan Sigg sur 25 Juin 2010, 08:25am

Catégories : #philosophie

Petite mĂ©taphore nĂ©e du travail effectuĂ© depuis deux ans sur le site  Un Jour Une Oeuvre et d'un simple constat : Nous avons du mal Ă  dire ou Ă©crire ce que nous voyons (et non ce que nous savons ou ressentons) dans une Ĺ“uvre d’art.

 

Sommes-nous des chèvres ?

 

Dans une clairière au cœur de la forêt, un poteau, une corde et, au bout de cette corde, solidement attachée, une chèvre terrifiée par l’immensité de la forêt et par l’arrivée inévitable du loup.

 

Cette chèvre c’est moi

Le poteau c’est le centre Ă  partir duquel je pense et j’agis ; c’est mon conditionnement (mon Ă©ducation, mon parcours de vie, ma culture, mon savoir, ma mĂ©moire, mes prĂ©jugĂ©s…). Ce n’est pas « mon Ă©tant au prĂ©sent Â» (neuf Ă  chaque instant). Ce poteau c’est mon moi qui rĂ©git et dicte mon comportement.

La corde, c’est ce que je crois être mon degré de liberté. Sa longueur définit les limites de ma conscience et de mon savoir (ma conscience est limitée à son propre contenu. Mon savoir est toujours limité)

Le loup c’est l’autre, (l’œuvre d’art ?), mes peurs.

La forêt c’est le monde, la vie.

 

De quoi ai-je peur ? Du loup et de la forĂŞt ? Impossible puisque je ne les ai jamais vus. Je ne peux pas avoir peur de ce que je ne connais pas, de ce qui n’est pas advenu, de l’inconnu ! Non, j’ai peur parce que je suis attachĂ© au passĂ©, au connu (au poteau). En fait, j’ai peur de perdre le connu qui me rassure. Ce poteau (et sa corde) est la seule chose solide (donnĂ©e, connue) sur laquelle je peux compter (il est durable, fixe, il sera toujours lĂ ). « Je voudrais Â» m’en dĂ©tacher, mais inconsciemment je m’y accroche car il est mon centre ; sans sa soliditĂ© j’ai le sentiment d’être très fragile, de n’être rien en fait. Cette corde dĂ©finit un pĂ©rimètre et une aire de dĂ©placement que je connais bien quand la forĂŞt, par contre, est un vide immense (ou un gouffre obscur) dont je ne connais pas les limites.

 

Allonger la corde petit Ă  petit pour « avoir plus de libertĂ© Â» ? Illusion !  (Illusion du DEVENIR : « je suis ceci et je veux devenir cela Â» or je ne suis que ce que je suis) Je courrai un peu plus loin mais le loup me mangera quand mĂŞme.

Ronger le poteau ou la corde ? Combien de temps cela va me prendre ? La corde (est très solide) et le poteau (bois dur enfoncĂ© très profondĂ©ment) vont rĂ©sister ! Je vais dĂ©penser une Ă©nergie Ă©norme (non crĂ©ative ; je n’apprendrai rien de cet acharnement), je vais m’épuiser (non respect des limites de mon corps), sans forcĂ©ment obtenir de rĂ©sultat. L’effort est conflit, il ne fait que blinder les parois de ma conscience. Enfin, mes peurs ne vont faire que grandir. Pourquoi vont elles grandir ? Parce que dans mon dos, c’est Ă  dire dans mon cerveau de chèvre (concentrĂ© sur une tache rĂ©pĂ©titive, non attentif au mouvement du monde, ne fabricant plus de nouvelles liaisons neuronales), mes images intĂ©rieures de forĂŞt et de loup (issues de ma mĂ©moire) vont grandir avec mon stress.

Remplacer le poteau ou la corde ? Les rĂ©volutionner ? Les transformer ? les rĂ©former ? (c’est juste modifier la continuitĂ©). Les dĂ©truire ? faire table rase ? (c’est dĂ©truire la clairière et moi avec). les ignorer ? (c’est fuir ou m’aveugler)… ce ne sont que dĂ©placement du problème, crĂ©ation de nouvelles rĂ©sistances ou d’autres problèmes.

 

Une seule chose Ă  faire : VOIR et COMPRENDRE, ici et maintenant, le poteau de mon conditionnement et la corde de mes attachements. Si je suis totalement attentif, sans a priori, sans volontĂ© et sans attente, alors je les vois vraiment et ils se dissolvent.

Comprendre ma situation de chèvre, c’est ĂŞtre une chèvre neuve ; ce n’est pas modifier ma situation, c’est mourir Ă  cette situation (mourir Ă  mon moi, Ă  mon attachement et Ă  ma peur) pour  aussitĂ´t renaĂ®tre neuve.

 

Ma liberté ne se mesure pas à la longueur de la corde, ni au degré de solidité du poteau.

La liberté ne se mesure pas ! (comme l'humilité, la beauté, le bonheur ou la vérité)

La libertĂ© n’est pas une fin (« un jour j’arriverai Ă  me dĂ©tacher et je serai libre Â») mais un moyen prĂ©alable Ă  toute action.

La liberté c'est VOIR MAINTENANT le poteau, la corde et la forêt.

 

En m’affranchissant ici et maintenant de toute autoritĂ© intĂ©rieure et extĂ©rieure, en m’affranchissant lĂ  maintenant de mes peurs, en m’autorisant la libertĂ© maintenant, il n’y a plus aucun poteau et aucune corde qui vaillent (ma libertĂ© psychique dĂ©crĂ©tĂ©e m’affranchit de tous les carcans physiques). En m’affranchissant de ce centre qui n’est pas « mon Ă©tant vivant Â» et me sclĂ©rose, je peux alors Ă©voluer dans toutes les directions, penser dans toutes les directions. Alors il n’y a pas la clairière avec une chèvre appât d’une part et la forĂŞt pleine de peur d’autre part ; il n’y a pas une chèvre qui observe et une forĂŞt (pleine de peur) observĂ©e. Il n’y a plus ni temps ni distance entre la chèvre et la forĂŞt. La chèvre et la forĂŞt ne font plus qu’un. La chèvre est la forĂŞt, et la forĂŞt est la chèvre. L’immensitĂ© de la forĂŞt (l’infinitĂ© du prĂ©sent, de l’art, du tableau) n’est plus terrifiante car je suis la forĂŞt, je suis l’œuvre, je suis l’autre, je suis le loup, je suis le monde et le monde est moi. Alors il n’y a qu’un seul Ă©tat d’être, toujours neuf, ouvert Ă  tous les possibles.

 

VOIR c’est n’avoir plus de centre, plus de but, d’idéal, de préjugés, de peur. VOIR c’est comprendre au présent, dans l’instant. La compréhension est un feu qui ne fait pas de fumée et ne laisse aucune cendre (aucune trace dans le psychisme, aucune blessure, aucun refoulement).

Il n’y a alors plus de choix et je saisis parfaitement en tant que chèvre ce que je dois faire (ce n’est pas une ré-action mais une action), quel chemin prendre, pour éviter le loup ou aller vers lui (le combattre sans peur et le maitriser si il faut), trouver ma nourriture, trouver mon chemin, trouver un abris (les essentiels) et surtout comment ne plus m’attacher ou me faire attacher.

 

Mais pour cela je dois être totalement attentif (ni attente, ni jugement, ni rejet, ni identification, ni combat), au poteau, à la corde, à la forêt, au loup, aux arbres, au ciel, à la terre … car ils sont mon équation de vie à n inconnues.

 

Etre totalement attentif ce n’est rien d’autre qu’AIMER.

 

Comment ĂŞtre une chèvre totalement attentive ? En commençant par me comprendre dans le miroir de la relation Ă  l’autre ; en partageant en toute humilitĂ© ce que je vois (Ă  l’intĂ©rieur et Ă  l’extĂ©rieur) avec toutes les autres chèvres qui comme moi sont attachĂ©es Ă  leur poteau rassurant.

Si j’en rencontre une qui n’a ni poteau ni corde ? Le rayonnement de son dĂ©tachement (si je le perçois) aura l’effet d’une explosion destructrice qui me permettra Ă  mon tour de renaitre neuf Ă  moi-mĂŞme.

 

SignĂ© la chèvre de monsieur Sigg, Hein ?

29 V 2010



un commentaire vient d'être posté par eMmA :
Merci pour ces réflexions salutaires. Je me rends compte que cela fait longtemps que je ne suis pas venue poser mon regard chez UJUO.
Faute de temps ? Ou peut-ĂŞtre peur de me "planter" (devant le poteau de mon peu de connaissances...) C'est bien, Ivan, de nous secouer et de titiller la corde qui nous bride.
eMmA

 

un commentaire vient d'être posté par kasimir :
C'est absolument excellent, de la première jusqu'à la dernière ligne !
Bravo, merci
je suis venu là sur un mot de eMmA, et je suis enchanté

 

un commentaire vient d'être posté par Paul Pujol :

Je viens d'aller faire un tour sur votre blog et de lire votre article.
Intéressant, cependant tout à la fin de cette quête de sens, au-delà de la réalité du poteau et de la corde, il se pose au final la question de la réalité de la chévre elle-même, à savoir le "moi" existe-t-il vraiment, ou est-ce une pure création de la pensées?
Quelle est la vrai nature de l'esprit? Je laisse le silence en réponse.....
 

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