Silence des champs
Des grincements me saisissent
Les cris du faisan
Comme il est difficile d'élaborer une pensée neuve à plusieurs ! Que de tensions et d'agressions verbales dans nos premiers dialogues ! Au fait, la pensée peut-elle jamais être neuve ? La pensée n'est-elle pas toujours vieille par essence ?
Il est tellement plus simple d'être dans la perception et de partager cette perception. Le problème c'est que nous ne savons pas entrer en perception et surtout, installer durablement cet état intense, passif/actif... Plus simplement, sommes nous toujours en mouvement (en phase) avec le mouvement de la vie ?
Lorsque nous marchons en forêt, sur un chemin d'odeurs orné d'ornières, la perception s'invite d'elle-même. Mais lorsque nous sommes assis en cercle pour dialoguer dans une bibliothèque, tout nous renvoie a la pensée avec ses sacs de noeuds et elle se mord très vite la queue :) J'observe que dès que nous pensons, nous ne sommes plus en contact avec l'instant présent.
Chaque matin, après le petit déjeuner, face à un hêtre géant, je donne une séance de "Qi Gong de la grue blanche", puis nous visionnons une conférence du pédagogue Jiddu Krishnamurti (1895-1986). Pose thé anglais. Ensuite dialogue autour des thèmes abordés dans la vidéo et enfin déjeuner végétarien.
L'après-midi, marche de trois heures, thé anglais, dialogue prolongeant celui de la matinée, dîner et discussions par petits groupes ( ponctuées de rires, de massages et de délires verbaux) dans le grand salon.
Une petite image (forcément reductrice) de notre groupe :
- Celle qui pense nécessaire de répondre et donner son point de vue après chaque intervention (elle se sent investie d'un devoir, d'une responsabilité, d'une connaissance), qui a peur du conflit et de l'humour.
- Celle qui sourit tout le temps, qui a peur de parler en groupe, qui n'intervient jamais mais dont on voit les lèvres bouger
- Celui qui déclare " Moi, je ne suis pas un faux humble, j'ai compris des vérités, je vous les livre, vous en faites ce que vous voulez, mais la dessus vous ne me ferez pas changer" ( il a claqué la porte hier soir et dit qu'il ne reviendrait pas !)
- Celle qui s'installe dans une abstraction complexe et cite le philosophe à chaque phrase
- La femme qui n'aime pas les métaphores et prend souvent le contre pied de la parole de l'autre, mais une forme de sagesse émane d'elle.
- L'homme au cheveux blanc qui fait bruyamment craquer ses doigts, qui parle d'une voix grave douce et apaisante, faisant de l'humour et recentrant souvent le dialogue qui s'égare.
- La grande brune assise en tailleur qui a un visage toujours soucieux, une jolie voix triste, et qui met courageusement sur la table ses problèmes et ses doutes ( les siens et ceux du groupe)
- Il y a cette femme sage aux cheveux courts qui a déjà fait un bon bout de chemin de compréhension, enveloppée dans son grand chale blanc et son hyper sensibilité, et qui n'intervient qu'a bon escient.
- Il y a la toute jeune musicienne, d'une étonnante maturité, qui intervient peu mais qui essaie de voir et de comprendre et dont les intuitions éclairent les autres.
- Enfin, il y a ma pomme qui écoute ses tensions intérieures, blague un peu, et demande parfois du temps et du silence pour comprendre tant les pensées tortueuses de certains lui vrillent la tête.