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PENSER ? ESPÉRER ? CROIRE ?
Croyance, croire, crédulité, foi, penser, idéal, idéologie, espoir… sont des mots et des vecteurs d’images. Le mot ou l’image ne sont pas le fait. Le mot « arbre » n’est pas l’arbre. Les mots et les images sont des productions de la pensée. La pensée s’interpose comme un filtre entre notre perception et la réalité. La réalité n’est pas un roc, mais un mouvement, elle est toujours neuve, inconnue. La pensée, elle, est toujours vieille, elle agit toujours dans le champ du savoir, du connu. Le mot, l’image, la pensée, impliquent toujours le passé.
Puis-je être totalement attentif au monde sans image, sans formule, sans idée, sans idéal, sans espoir, sans principe, sans théorie ?
Croyance, croire, crédulité, foi, penser, idéal, idéologie, espoir, sont des modes de rapport au monde. Qui les instaure ? C’est mon MOI, mon conditionnement, par le biais de ma pensée qui mesure, compare, analyse. La pensée n’est jamais dans le champ de l’action (du présent) elle est toujours dans le champ de la ré-action (du temps, du passé).
L’observateur qui observe la croyance, l’espoir ou la pensée, cet observateur n’est autre que la croyance, l’espoir, c’est-à-dire la pensée elle-même. L’observateur EST le temps, EST le passé, EST le savoir accumulé. Cet observateur regarde la chose observée comme s’il ne lui appartenait pas, comme s’il en était séparé. Si je ne vois pas ou si j’entretiens cette séparation, je maintiens de la contradiction, de la division, du conflit. Dès l’instant où je compare Croire et penser, croyance et idéal, foi et espérance, s’installe le conflit, l’envie de trancher, le désir de convaincre, la volonté de changer l’autre, et le conflit est perte d’énergie, résistance, refoulement, haine, violence.
Puis-je me débarrasser de la crédulité et de la croyance en démontrant qu’être Marxiste et Freudien vaut mieux qu’être crédule ou croyant ?
Le fait est que le MOI est la croyance. L’action qui se produit quand je me crois différent de la crédulité aboutit à ne jamais y mettre fin. Ce que je crois être une vérité n’en est jamais une car la vérité, comme la réalité, est toujours neuve, toujours en mouvement.
L’observateur et la chose observée sont la même chose. Le penseur et la chose pensée sont une seule et même chose. Le penseur est celui qui sait, qui démontre, qui lutte, qui dit « Je ne suis pas crédule et vous êtes crédules », « Je sais et vous ne savez pas », « Penser est évolution et invention, croire est archaïsme et régression». Que se passe-t-il si je comprends que la pensée est limitée et que « je ne sais pas » ? Cet état de non-savoir (psychologique) n’est-ce pas le début de la compréhension ?
Le contenu de ma conscience, c’est ma souffrance, ma douleur, mes luttes, mes tristesses, les images réunies pendant ma vie, mes dieux, mes blessures, mes frustrations, mes plaisirs, mes peurs, mes tourments, mes haines. Et ma conscience est limitée à son contenu. Comment alors puis-je m’en affranchir pour entrer véritablement en contact avec le monde, ici et maintenant, sans division et sans conflit ? Le penseur, l’observateur peut-il s’effacer pour laisser surgir la réalité ?
Le corbeau est-il croyant ? Le chêne est-il crédule ? Quelle est la foi de la baleine ? La montagne croit-elle en une théorie ? La mer a-t-elle un idéal ? Le photon prône-t-il une idéologie ? Non, ils rayonnent indifféremment, sans mobiles, sans créer de divisions, de contradictions ou de conflits. En quoi suis-je différent d’eux ? Et pourquoi m’éclairent-ils quand je les observent attentivement ?
Pour construire un pont ou une fusée, apprendre une langue ou soigner, je dois accumuler des connaissances, acquérir un savoir technique, mais d’autres (ou l’ordinateur) peuvent le faire aussi bien que moi sinon mieux. Par contre, personne ne peut observer et comprendre mon rapport aux autres à ma place car pour construire une vraie relation il n’est pas de mémoire ou de savoir qui tiennent. Alors faisons comme si nous ne savions rien. Affranchissons nous de toute autorité extérieure : Ni croyance, ni dieu, ni maître, ni Freud, ni Marx, ni parti ; et affranchissons de toute autorité intérieure, c’est-à-dire de notre conditionnement, de notre Moi,. Que devient alors le processus de pensée ?
La pensée est une réaction de la mémoire (consciente, inconsciente et corporelle) aux stimuli du réel. Elle est ancrée dans le passé, dans le connu et donc limitée. Elle n’est donc jamais libre. La pensée ne peut jamais entrer en contact avec l’inconnu. Constamment, elle se réfère à un objet : Croyance en notre expérience, croyance dans notre savoir, croyance dans notre chance et dans notre intuition, croyance en un idéal, croyance dans les idées, croyance dans la culture et dans l’histoire, croyance dans l’avenir, culte des penseurs, culte de la théorie, culte des valeurs… Oui, penser c’est croire. La pensée est un ensemble de croyances organisées, c’est-à-dire un ensemble d’illusions et d’images que notre cerveau projette sur la réalité pour nous sécuriser, pour ne pas être terrifié par notre vide intérieur et par le vide sidéral, par la mort, par la nouveauté permanente du présent.
Le problème c’est la pensée qui s’est séparée d’elle-même sous forme de penseur. Le penseur dit « penser est indépendance de jugement et goût de l’effort, croire est dépendance, paresse et passivité», « penser est une protection, croire est un piège », « l’individu pense, la foule croit », « l’espoir est constructif et la croyance destructrice ». Le conflit n’existe que parce qu’il y a division entre MOI et non-MOI. Et nous nous sommes habitués aux divisions, aux contradictions et aux conflits depuis des millénaires au point de croire qu’il nous étaient vitaux quand bien même nous constatons chaque jour qu’ils nous détruisent.
La pensée nourrit le plaisir et la peur. Peur du présent, peur du vide intérieur et extérieur, peur de l’avenir, peur de la mort, peur de perdre le connu, peur de l’inconnu, peur de la différence, peur de ne pas se réaliser, peur de ne pas être aimé, peur d’aimer. C’est la pensée qui, pour étancher ces peurs, invente la croyance, l’idéal, et l’espoir .
Alors que faire ?
Etre intensément et totalement attentif à ce qui EST, avec honnêteté et humilité, sans volonté, sans comparaison, ni jugement, ni identification, ni acceptation, ni rejet.
Si je suis en colère, il n’y a pas un JE différent de la colère. Le fait est que mon MOI est la colère. La colère cesse instantanément quand je vois cela. Voir cela ne peut être le résultat que d’un esprit silencieux, immobile et à l’écoute. Etre sensitif, attentif, perceptif, c’est s’ouvrir à tous les possibles, c’est s’affranchir du MOI et donc… de la pensée.
Je ne suis vraiment moi, c’est-à-dire sans croyance, sans espérance, sans opinion, sans idéal, qu’hors de mon conditionnement, entièrement dans l’instant présent. Je ne suis vraiment moi que dans l’ETRE et non dans le DEVENIR. C’est par cette attention totale sans centre et sans but (sans attache et sans volonté), quand la liberté n’est plus la fin mais le moyen, que peut se produire une révolution intérieure.
Et alors le monde change.