Réveillon stambouliote en version courte :
restaurant de poisson au bord de l'eau et croisière sur le Bosphore pour assister aux feux d'artifice de passage au nouvel an.
Réveillon stambouliote en version détaillée :
18h30 : après avoir visité la fabuleuse citerne romaine (où fut tourné "Bon baisers de Russie" enfouie au coeur de la mégalopole turque (13 millions d'habitants dont 7 dans des bidonvilles ?), et siroté un âpre jus de grenade au "Citern Café", nous voilà désoeuvrés dans les rues fraiches d'Istanbul. Il va falloir tenir jusqu'à minuit si l'on veut assister aux feux d'artifices du nouvel an... Prenons le tramway jusqu'au terminus Kabata et marchons en bord de mer pour visiter le palais Çiragan. En bout de ligne, le tram bondé nous lâche dans une circulation délirante et autant dire qu'à cet endroit, le bord de mer est privatisé ou impraticable. Nous voilà en route entre une quatre voix rugissante et un mur de dix mètres de haut qui cerne plusieurs palais mitoyens sur trois kilomètres. La grand-mère prend le bras de son fils, la mère coatche son lycéen qui bougonne, et la fille ėtudiante ne se lasse de répéter que "Le 31 c'est toujours naze ! Mieux vaut ne rien faire et rester devant sa télé". Nous cherchons des "Kumpir" (pommes de terre au four farcies de légumes), mais nous tombons sur un nid d'hommes cagoulés des Forces Rapides d'intervention qui protègent un convois de dignitaires. Puis nous arrivons au Palace. Dans cet hôtel cinq étoiles nous faisons carrément taches d'huile en teddy, sweet et baskets au milieu de hordes de russes en costards noirs et visons, prêts à réveillonner. On saute dans un taxi pour revenir sur nos pas jusqu'au Terminus du Tram.
Le guide disait "Au pied du pont Galata, au coeur du petit marché de poissons, vous trouverez deux ou trois gargotes disséminées sous les arbres où vous pourrez manger, les pieds dans l'eau, du bon poisson frais grillé". Nous tombons sur la mauvaise, la seule qui soit chauffée, un pied dans l'eau, certes, mais l'autre dans l'arnaque à touristes, oui ! À peine assis, un gars nous amène des entrées que nous n'avons pas encore commandées!? Il n'y a pas de carte et ce qui vaut 5TL ailleurs vaut 15 TL ici.
— I am the menu, nous annonce le patron. Vous mangerez ces entrées puis du calmar grillé et enfin du poisson. Que buvez-vous ?
— Une grande bouteille d'eau, mais nous voudrions...
— Voilà ! et il pose une bouteille sur la table avec quatre gobelets en plastique.
— Nous souhaiterions des verres s'il vous plait.
— Pour l'eau y a que des gobelets ! Les verres c'est pour la bière et l'alcool !
— Pas de verres, pas de restaurant ! Dis-je, et en prime nous écrirons au guide pour vous faire de la pub !
— Allons manger en face, lance ma femme en bondissant de son siège.
Sous le pont Galata il y a en effet une brochette de restaurants à touristes et à touche touche, face au Bosphore. A gauche il faut éviter les milliers d'hameçons des pêcheurs accoudés au parapet juste au dessus de nos têtes, à droite les maquereaux en pardessus qui veulent vous faire entrer de force dans leurs établissements prohibitifs. Au centre une horde d'enfants gitans agités qui effraient les clients japonais. On finit par se rabattre sur le moins pire. A peine assis, Une troupe d'hommes habillés en danseuses du ventre bretonnes vient quémander des billets en nous explosant les tympans avec leurs tambours et leurs cornemuses. Moins tu donnes plus ils tapent fort près de tes oreilles. Le bar à 25€ et l'espadon à 30€ passent plutôt mal, d'autant plus que ce n'est pas le prix affiché sur la carte à l'extérieur du restaurant !
22h00 : on ne va tout de même pas rester deux heures dans ce barouf folklorique ? Pas le temps de réfléchir car voilà le patron qui nous vide, vu que l'on ne consomme pas d'alcool et que l'on ne prend pas de dessert. Nous sommes aussitôt remplacés par cinq mannequins russes filiformes perchées sur leurs talons aiguilles démesurés. On emprunte deux ou trois tunnels mortellement vides pour rejoindre le tramway quand, en passant devant le terminal des ferries, on entend :
— Croisière sur le Bosphore pour aller voir les fireworks, durée 1h30, prix 10LT
— 5 € je n'y crois pas c'est encore une arnaque ! fait ma femme.
— Monsieur c'est 10LT et rien de plus ? demande la belle-mère.
— Rien de plus !
— Pas de boisson obligatoire, insiste ma fille ?
— 10LT rien de plus
— Incroyable ! Et nous embarquons pour arriver sous le grand pont suspendu illuminé à minuit moins une, juste à temps pour égrainé avec une bande de russes excités le décompte au laser qui s'affiche en chiffres géants tout là-haut sous le parapet. Nous sommes totalement frigorifiés, mais heureux de voir le ciel s'emplir de lanternes volantes et de fleurs d'artifices.
0h30 : plus de tramway ! Nous tombons sur un taxi–fangio qui vire au frein à main dans les ruelles de Sultanhamet, conduit à
l'intimidation avec les voitures et les tram qui viennent en face, et fonce délibérément sur les passants. On se croirait dans un James Bond et bien sûr l'auto-radio donne "Skyfall" d'Adèle à
plein tube. En deux minutes nous sommes chez nous ! Même la grand-mère se poile ! Soirée mémorable.