Remix/détournement/contamination de l'affiche créée par l'atelier des Beaux Arts en 68 où l'on voyait Danny crier en riant "Nous sommes tous indésirables"... Ici c'est William qui, sourire en coin, affirme que nous sommes tous acteurs... De nos vies ?
Vieil homme : alors, racontez-moi cette expérience dramaturgique au TNP ?
Moi : Hé bien je suis sur scène, je dessine en direct avec bonheur, durant quatre heure. Quand ça se termine, tous les acteurs partent, je reste seul sur scène, épuisé. Edwy Plenel, le fondateur de Médiapart me salue, je suis content de le voir. Je lui rappelle qu'il a été mon directeur au Monde pendant 10 ans quand j'y dessinais. "Je sais bien" me dit-il, mais surtout je me rappelle du groupe Banlieue-Banlieue et des courriers que tu m'envoyais, je les ai gardés. Je me rappelle très bien de toi dans le groupe Banlieue Banlieue ".
Vieil homme : comme c'est intéressant, et alors ?
Moi : Hé bien, moi, je ne me rappelais absolument pas de ça ! Aucun souvenir !
Vieil homme : bientôt les 90 ans !
Moi : pardon ?
Vieil homme : vous venez d'avoir un beau trou de mémoire, c'est déjà la vieillesse !
Moi : ha ha ha vous me prenez en flagrant délit d'amnésie.
Vieil homme : écoutez-moi, ça vaut mieux que d'être sourd, j'ai été chargé de rédiger une critique de fin de soirée dans la grande salle de spectacle de notre maison...
Moi : quel spectacle ?
Vieil homme : c'était enfantin, avec trois danseuses tahitiennes posées l'une sur l'autre à angle droit. Mon prof de math m'avait dit à ce propos que je n'avais pas le niveau pour polytechnique, mais que je pouvais tenter Central sans problème. Alors j'ai fait docteur en médecine et docteur en sciences sociales. C'est pas mal non ?
Moi : et ce spectacle ?
Vieil homme : vous parlez de spectacle, mais vous venez vous-même de toucher au summum de la qualité et de la complexité du théâtre français. Votre fonctionnement est prodigieusement étonnant. Cependant, est-ce que cela ne pourrait pas submerger tout le reste ?
Moi : je ne pense pas, et au contraire je pense que cela ouvre le champ des possibles. Est-ce que vous avez vous même fréquenté les théâtres ?
Vieil homme : oui à Alger puis à Paris, surtout à Chaillot. C'est là d'ailleurs que j'ai eu mon premier trouble de l'équilibre, dans le grand escalier.
Moi : Vous vous rappelez d'une pièce ou d'un auteur ?
Vieil homme : Ah ! Les auteurs russes, ça finissait toujours par un coup de pistolet !
Une grosse toux pleine de cathares, l'empêche de continuer. Il s'étouffe presque, je lui tape doucement dans le dos de bas en haut, il lui faut du temps pour retrouver son souffle. Après Il reste hagard de longues minutes. Je le laisse se reposer seul et reviens quinze minutes plus tard.
Moi : mais que faites vous nu sur votre lit ?
Vieil homme : c'est une exposition !
Moi : une exposition ?
Vieil homme : oui, de mes parties fines ha ha ha.
Moi : allez, rangez votre bazar et allons à la gym.
Vieil homme : pas question ! N'entravez pas le cour des choses, quelqu'un va arriver et nous avons du travail.
Moi : mais vous n'allez recevoir personne dans cette tenue tout de même ! Allez levez-vous, reculottez-vous et allons ensemble à la gym.
Vieil homme : non ! Vous ne comprenez rien... Il y a les cercles qui pensent. Le cercle se décide difficilement. Le cercle vibre et je transpose la vibration en pensée. Une traduction en rythme serait plus complexe, voire audacieuse au dire de certains. Pensez-vous avoir la moindre possibilité de présenter les cercles qui pensent au sein du théâtre français, maintenant que vous êtes introduit au TNP de Villeurbanne ? C'est remarquable d'ailleurs cette percée que vous venez de faire...
Moi : mais de quoi parlez-vous ?
Vieil homme : je n'en ai pas la moindre idée ! Ça vient comme ça, tout seul.
Moi : vous avez un cerveau prolifique et hautement poétique. "Les cercles qui pensent"...On dirait un titre de roman de science fiction ...
Vieil homme (il se lève) : je vois que je n'ai pas le choix, alors je remballe. Dites, j'aimerais aller aux toilettes, mais ma tête ne rentrera jamais dans ce trou !