Visite 6 à l'hôpital
Vieil homme : Tout le monde me dit "Tu as de l'argent partout, tu n'en as donc pas besoin", c'est incroyable, non ? J'ai effectivement un compte de 400 francs à la Banque Générale d'Algérie, et alors ? Comment vais-je manger ce soir et rentrer chez moi ?
Moi : vous n'avez pas besoin d'argent car vous mangez et dormez à l'hôpital.
Vieil homme : c'est plus simple ainsi. Et puis vous avez toujours la phrase rassurante au bon moment, ce qui m'amène directement à la deuxième partie de notre conversation. Figurez-vous que j'ai été intercepté chez moi, les mains dans un melon - j'appelle ça l'épisode de la pastèque - comme ayant des troubles psychiques et l'on m'a envoyé à l'hôpital. D'ailleurs cet hôpital est la copie de celui d'Alger, mais l'ambiance n'y est pas. Dites-moi, ces deux femmes formidables (deux aides soignantes) la brune et la blonde, appartiennent-elles à une organisation parallèle ?
Moi : non, elles travaillent ici.
Vieil homme : j'aime autant ça. Je voulais en parler à mon ami M., mais j'annule alors.
Moi : oui il vaut mieux, d'autant plus qu'il est mort il y a trente ans.
Vieil homme : Ah oui, c'est vrai, c'est l'habitude. Vous savez, ces derniers temps je me suis vu envisager plusieurs fois ma fin finale. Un jour j'ai trouvé un vase et j'ai dit "N'y touchez pas, il conviendra parfaitement pour enfiler ma tête dedans". En fait c'était un melon. cette histoire de melon, tout le monde la raconte car elle fait de l'effet. En me voyant les deux mains plongées dans cette pastèque, le mari de la femme de ménage, homme très sensible, a appelé les pompiers. Le général des pompiers, bel homme à galons, a décrété l'hospitalisation et me voilà en route pour l'hôpital, hélas sans bretelles.
Moi : c'est à peu près cela.
Vieil homme : c'est donc à cause des évènements d'Alger que j'ai acheté notre appartement ? Quelle prévoyance ! Et je suis venu habiter ici, jusqu'à la rencontre fatale avec cette pastèque trop petite pour ma tête.
Moi : oui avec votre femme et vos trois filles.
Vieil homme : avec trois filles !?
Moi : vos filles !!!
Vieil homme : Ah !? Et c'est à Alger que vous avez entendu parler de mes troubles psychiques ?
Moi : je vivais là-bas quand j'étais petit.
Vieil homme : ha ha ha ha ha vous en avez donc entendu parler !
Moi : oui, mais c'était en 1963 et les troubles dont vous parlez datent de 2014...
Vieil homme : étonnant comme nos vies se percutent ! J'en viens, et ce n'est pas le plus facile, à la fameuse organisation de femmes qui m'emmerdent la nuit à vouloir me faire dormir allongé. Mais qui a décidé de cette chose étrange ?
Moi : c'est la vie, on dort la nuit, allongé dans un lit, le plus souvent.
Vieil homme : quelle idée pénible !
Moi : on a bien discuté et je vais devoir partir
Vieil homme : Une minute encore. Vous ai-je raconté cette histoire du tigre au fond d'une ruelle, près de notre supermarché INNO qui voulait me dévorer en ouvrant une gueule comme ça (geste avec les deux mains) et me rançonner ?
Moi : oui plusieurs fois, mais chaque variante s'ornemente de détails nouveaux.
Vieil homme : et c'est là en général que vous ajoutez que c'est un rêve éveillé ?
Moi : exactement !
Vieil homme : formidable ha ha ha. Nous commençons à être vraiment complices.