Repas d'anniversaire du troisième type
Inouï ce nouveau food concept !
Vous cochez dix items sur Internet : situation géographique, architecture, décor, personnel de cuisine, service en salle, cuisine, vaisselle, boissons, durée, prix, et quinze jours plus tard vous dégustez dans le restaurant de vos rêves, la nourriture de vos rêves.
Pour marquer une grande occasion c'est parfait ! C'était donc le cas la semaine dernière pour le repas d'anniversaire surprise de l'un de mes amis d'enfance.
Situation : Il y a sans doute eu un bug à l'enregistrement car le "lieu central et vivant" choisi en ligne nous transporte par une soirée glacée, au fin fond d'un quartier dortoir blême et bétonné.
Architecture : J'avais coché "épure asiatique", mais nous découvrons une ancienne pizzéria à demie enterrée, récemment reconvertie en restaurant japonais gastrofusion.
Décor : le "sobre et zen" coché sur le site est devenu barbouilles de maternelle patafixées sur des murs jaunes pipi.
Personnel de cuisine : un dingue avec un couteau immense (style Le Lotus bleu) en fait un peu trop en cuisine, cassant un plat sur deux en poussant de petits cris gutturaux. Le figurant n'est pas à la hauteur du rôle de "Grand chef" demandé.
Service en salle : un faux serveur, figurant excentrique à tignasse péroxydée, commente nos discussions privées, notre façon de manger, et ponctue chacune de ses tirades culturelles sur le japon traditionnel par un "vous reprendrez bien une bière, un alcool de prune ou un thé ?"
Vaisselle : "Authentique" devient "baguettes chinoises cassables/jetables posées à même la table". Tous les aliments sont servis en tas dans de grands plats marocains collectifs "transmis de père en fils depuis trois cents ans" car "c'est une cuisine de samouraï très élitiste".
Cuisine :
1) Poisson en "vrac de Rungis" servi sur lavette blanche sanguinolante ayant vraisemblablement servi à éponger le thon et/ou nettoyer la cuisine ! Le plat ressemble à s'y méprendre aux déchets du bloc opératoire militaire du film MASH (avec compresses et pansements de compression usagés).
2) Marmitasse de thon au riz, au chèvre, à l'aneth et aux pommes de terre râpées au romarin ! Fusion Arggggh !
3) Sushis et makis tièdes dans un grand plat marocain collectif.
4) Au moment du dessert, le figurant trop blond nous sert l'histoire d'un vieux prisonnier de la grotte de Nara qui sculpta, toute sa vie durant, les murs de sa cellule : "c'est cela qu'a voulu représenter ce soir pour vous notre grand chef. Je reviens, je vais lui demander le nom de son dessert unique". Nous attendons quinze minutes et le gars revient des toilettes pour nous dire que son ordi est hélas en panne ! Ce dessert exclusif, présenté dans un immense plat collectif à couscous, ressemble de loin à une bouillasse gloubichocolaboulga dégoulinante... En fait il est humblement composé par l'entassement de tous les restes de desserts récupérés dans les assiettes la semaine précédente, et stockés en prévision. Le tout atteint 50cm de hauteur grâce à un kilo de glace grise, des étais en meringue et une bougie plantée au sommet. Mon ami passionné de cuisine Japonaise demande alors — Est-ce que la petite purée rouge qui colle entre eux les bouts de gâteaux prémachés, est faite d'azukis ? — Non ce ne sont pas des azukis car ils sont trempés dans le sucre ! — Alors ce sont des azukis sucrés ? — Voilà, c'est ça ! Bref, le pauvre figurant, sorti de son scénario initial, est complètement perdu.
Boissons : "Je suis sûr que vous connaissez déjà l'Asahi alors vous allez aimer la Kirin" donc bière Kirin d'office ! Eau de vaisselle chaude appelée saké dans des tasses Ikea. Thé payable à la tasse. La demande d'une théière manque de provoquer un drame car le serveur n'arrive pas à compter le nombre de tasse qu'elle contient, surtout si, complexifiant le problème, on rajoute de l'eau chaude pour une deuxième infusion. Le vieux pot qui arrive n'a pas d'anse et il est impossible de se servir sans s'ébouillanter. "Je ne comprends pas, les clients précédents sont partis sans payer leurs boissons, ça ne se fait pas !" (sous entendu je vous ai à l'oeil)
Durée : deux heures de fous rires intérieurs et de regards croisés à se pisser dessus (et sur les murs jaunes) jusqu'à l'arrivée de la note qui nous pétrifie les zygomatiques !
Prix : je n'oserai jamais l'avouer ici ! je peux seulement dire qu'il a plus que doublé et dépassé de 300 euros la fourchette de prix choisie sur le site. J'ai même dû - honte suprême - taper d'un gros billet mon ami anniversé car je n'avais pas assez sur moi !
Texto de mon ami en rentrant : " Géant ! Surréaliste ! Folie culinaire ! Anniversaire inoubliable ! "
Toute l'équipe de production m'a avoué s'être bidonnée non stop en cuisine devant ses écrans de retour. La réalisatrice nous a remercié chaleureusement et nous a demandé si nous étions prêts à recommencer dans le cadre d'une émission de télé réalité...!?
N'hésitez pas à visionner le film de la soirée posté sur YouTube, il a déjà enregistré 760513 vues !
Inouï ce nouveau food concept !
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