Mon ami dessinateur Didier Gosselin me propose de réaliser "une image pour Gaza" qui serait publiée avec d'autres dans le journal l'Humanité...
J'ai hésité et voici ce que je lui ai répondu dans un premier temps :
Je réfléchis, j'observe...
Je regarde les images qui ont été produites...
Bien sûr je suis contre l'assassinat de civils, en Palestine comme ailleurs...
Bien sûr je suis contre toute guerre et toute colonisation...
Il y a 40 ans, 30 ans, 20 ans, on demandait aux artistes de soutenir la Palestine, le peuple palestinien... Aujourd'hui on leur demande de "faire une image pour Gaza"...
(Et l'Ukraine ? Et l'Irak ? Et le Tibet ? Et l'Irlande ? Et le Soudan ? et le Chiapas?...)
La situation au moyen-orient est complexe, si vieille (66 ans !), totalement enkystée...
Les faucons du gouvernement américain soutiennent depuis toujours les faucons Israéliens, et l'Europe ferme les yeux...
Il me semble que quelque soit l'image que je réaliserais, elle serait réductrice...
Et puis que changerait-elle à la situation ?
Éclairerait-elle les enjeux d'un jour nouveau ?...
Non, cette image me classerait inévitablement dans un camp...
Je ne suis pas dans un camp...
La colère, la violence, la haine, l'égoïsme, les peurs, les croyances, l'avidité, la bêtise, le désir de posséder, le désir de pouvoir, le désir de détruire, sont hélas les carburants du comportement humain en général, et de ce nouvel embrasement en particulier dans la bande de Gaza.
Mais quel média (quel intellectuel ?) réfléchit sur ces terribles travers du fonctionnement du psychisme humain ? (Qui ne sont en rien inéluctables) Aucun !!!
En tous cas pas le journal l'Humanité et les communistes, pour qui la faute vient toujours de l'autre, du système ou d'ailleurs...
Alors on fait quoi ? Alors je fais quoi ?...
J'essaie juste de regarder le monde qui m'entoure avec amour, sans jugement (sans croyance, sans idéal) à une petite échelle (famille, proches, voisins, passants), sans y ajouter divisions et violence. Et tant mieux si mes peintures, dessins, photos et textes, que je produits sans but, peuvent éclairer certains et déclencher des prises de liberté.
Puis je lui ai envoyé ceci dans un deuxième temps :
La question qui nous taraude tous est "que puis-je faire face à l'injustice et l'horreur ?"
Question qui nous est toujours posée dans l'urgence, à nous artiste, à toute époque...
On ne peut jamais rien résoudre dans l'urgence.
La volonté ou la pensée n'ont jamais rien changé à quoi que ce soit.
Déjà, si je vais bien, le monde va mieux autour de moi, par simple rayonnement.
Par extension, si les français vont mieux, le monde va mieux.
Je dois donc inventer ici et maintenant la démocratie ( on en est loin en france quand 25% des inscrits élisent un président) au lieu d'essayer d'avoir prise sur une situation que nous ne comprenons pas et sur laquelle nous n'avons aucune prise.
Notre gouvernement français doit enfin agir pour que l'ONU 1) s'interpose entre Israéliens et Palestiniens 2) contribue à instaurer un état palestinien 3) dénonce et sanctionne les états qui financent des deux côtés ce conflit 4) propose qu'Israel et la Palestine soient les deux prochains états laïques européens et respectent enfin des règles démocratiques. 5) demande à ce que les droits des femmes soient respectés ( ils ne sont pas terribles en Israël et ils sont complètement bafoués en Palestine)
Quant aux images, aux photos, aux chansons et aux poésies, il faut demander aux jeunes palestiniens et aux jeunes israéliens eux-même d'en faire et leur proposer de les publier, ça oui !
LA RÉPONSE DE DIDIER GOSSELIN
Je ne suis pas trop étonné de ta réaction qui est à la mesure de la réflexion développée sur ton blog et de la forme que tu donnes à ton engagement quotidien, effectivement agir où je suis, interagir avec les autres où je me trouve pour partager, voire transformer le réel. Pour autant, prendre le parti de la paix et de l'arrêt des horreurs humaines, sans savoir la portée que cela aura à des milliers de kms ou à Paris mais simplement pour dire que ça suffit ne me paraît pas être un acte inutile.
Tes conclusions, que tous les amis de la cause palestinienne partagent (mise sous protection de l'ONU, instauration d'un état palestinien, désarmement, laïcité, démocratie, droits des humains...) auraient pu faire l'objet de visuels d'autant plus pertinents qu'ils prolongent le rejet de l'horreur par des propositions concrètes. Quand Jérusalem sera la capitale commune des deux états le rêve sera réalisé... Nul doute par ailleurs que des jeunes, ou moins jeunes, palestiniens et israéliens, réagissent en créant et qu'il faudrait en effet publier tout cela.
Enfin, je ne suis pas d'accord pour accabler l'Humanité et les communistes, qui malgré leurs erreurs et parfois leur aveuglement, n'ont jamais trahi leur engagement pour un monde meilleur et plus fraternel. Bien qu'en désaccord avec eux sur un certain nombre de points, je sais qu'ils constituent un point d'appui indéniable, notamment pour inventer ici et maintenant la démocratie.
CE QU'EN PENSE MON AMI PEINTRE ERIC MEYER
J'entends bien ce que tu dis Ivan concernant ton engagement au quotidien et les liens que tu peux établir avec la (ta) peinture. J'entends aussi qu'une image peut-être réductrice, que l'homme est dangereux partout sur terre et que les catastrophes humaines et écologiques sont malheureusement monnaie courante.
Ceci étant dit il est nécessaire en ces différents endroits du monde de trouver de façon urgente des solutions politiques, humaines et durables. Il est urgent de devenir meilleur, solidaire, respectueux,...
On peut donc, en tant que peintre et graphiste, s'interroger sur notre participation à cette éventuelle prise de conscience et comment justement la permettre avec les moyens qui sont les nôtres. Ça va être certainement beaucoup plus facile pour nous que pour le graphiste palestinien dont la préoccupation première va être de sauver sa peau, trouver de l'eau et de quoi manger. Il n'y a pas beaucoup d'image créés en Palestine actuellement. Je dis en Palestine car la situation est bien entendu plus dure de ce côté ci. On ne peut pas attendre des images venant de la bande de Gaza et c'est justement à nous d'envoyer les signaux. Je salue donc l'initiative de L'Huma qui ouvre ces pages et propose de présenter ces images. C'est d'autant plus rare dans la presse quotidienne que cela mérite d'être signalé et encouragé.
Là où ça ce complique c'est que justement nous ne sommes pas à l'aise avec tout ça. La plupart d'entre nous n'a jamais eu à faire à la guerre, n'a aucune connaissance de la souffrance et de la peur qu'elle engendre. Alors nos images sont parfois des clichés fades, des lieux communs qui ne bouleversent plus personne. Nous n'affirmons rien, ne proposons pas grand chose et interrogeons encore moins...
Nos images peuvent être plus universelles, prendre le contre pied des signes trop fréquemment utilisés. On peut dénoncer la guerre en invitant à la paix, au bonheur, à la joie...
Je ne suis pas dupe, nous ne changerons pas grand chose et très certainement nous ne changerons rien du tout. Nous ne sommes juste qu'un témoignage parmi d'autres qui signale qu'à certains moments sur terre des hommes s'intéressent aux autres, les entendent et que nous ne vivons pas dans une indifférence mutuelle. C'est déjà énorme.
Ce ne sont que quelques réflexions. Je cherche encore les pistes pour de telles images...