Bonjour à toute la rédaction et bonjour les "Nous Sommes Un Journal".
Je viens de lire les sept pages (+ la Une avec la fleur au poing du graphiste Michal Batory) de votre dossier du weekend autour du livre "Constellations" qui retrace les quinze dernières années de "luttes alter". Je me suis plongé avec curiositédans ces pages qui s'annonçaient passionnantes, en me disant qu'elles allaient d'une part m'éclairer et, d'autre part, nourrir votre printemps éditorial actuel, mais hélas... le dossier est vide.
J'ai pris un crayon et, une fois biffées toutes les infos connues, j'ai tenté de débusquer les angles nouveaux, les pas de côté, les propositions décapantes... Je dois dire que je n'ai rien trouvé de neuf, à part le lien avec le zappatisme ( à ce propos, Il faut absolument lire les deux tomes de "Ya basta" éditions Adorno, écrits par le sous-commandant Marcos, c'est génial, plein d'humour et de poésie et tellement fécond et novateur pour nos vieux modes de pensée !).
Je n'ai relevé, dans votre dossier, que des vieilles recettes de confrontation classe contre classe, couche contre couche, groupe contre groupe, mais aucune analyse du comportement psychologique humain, de ce qui produit nos souffrances psychiques, notre colère, notre haine, notre violence, notre égoïsme, notre jalousie, notre envie, notre avidité, notre désir de pouvoir, notre désir d'accumulation, notre désir de détruire, etc. Rien sur notre génial cerveau qui, si l'on n'y prend garde, devient la plupart du temps une machine à rassurer et sécuriser, totalement réactionnaire. Rien sur nos processus de pensée toujours conditionnés et inadéquates. Rien sur nos peurs, nos croyances et nos conflits intérieurs qui, une fois projetés sur le monde deviennent des conflits de couple, de voisinage, des luttes collectives, puis des guerres.
Tous les combats cités dans votre dossier sont des mouvements de résistance contre le pouvoir et l'injustice, très rarement des mouvements d'attention vraie à l'autre, d'amour sans condition, d'appétence et de créativité. Ces luttes, à l'instar de ce qu'elles combattent, divisent le monde en CONTRE et POUR, attribuant toujours le problème à l'Autre qui devient l'Ennemi. Je ne dis pas qu'elles sont inutiles, j'observe qu'elles ne font que changer les choses en surface, momentanément, déplaçant ou modifiant les problèmes sans jamais les dissoudre. Elles sont guidées par des valeurs, des idéaux et des buts (= autant d'idées figées) et tentent toutes d'obtenir quelque chose qui est la somme de nos manques et désirs individuels contradictoires. Les luttes alter, comme les autres, quantifient, mesurent et comparent "ce que nous avons" (salaires, biens, forces, territoires...) avec "ce que nous pourrions avoir "et visent des lendemains physiques meilleurs. Ces luttes comparent "ce que nous sommes" avec "ce que nous pourrions devenir", or on constate depuis des millénaires que cette attitude psychique, l'idée même de "devenir" est créatrice de conflits, n'a jamais produit de changement durable et au contraire a souvent généré la déception et la frustration, quand ce n'est pas le pire car inévitablement, la fin finit par justifier les moyens.
Hélas, à vous lire, le livre "Constellations" est bien " destiné à bâtir le socle des batailles à venir ", c'est à dire à perpétuer le connu et les rapports de force et d'affrontement.
Mais ouvrez les yeux, ! Il n'y a que le présent. Le présent est infini et l'infini n'a pas de socle. La vie est un mouvement complexe, ce n'est pas une bataille des contraires. Voir le présent sans à priori et sans idéal, dans la totalité de son mouvement et dans sa nouveauté instantanée, c'est "être le mouvement" et c'est précisément ça "changer le monde". Car chacun est le monde et si nous changeons, nous changeons le monde.
Art bientôt
Ivan
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